19 mars > Essai Hongrie

Un bon livre est un passage secret. Mélancolie fait partie de ces textes précieux et précis qui préfèrent l’intensité à l’exhaustivité. Péter Nádas (né en 1942) est poète et hongrois, ce qui est un pléonasme. Il observe la mélancolie en regardant un tableau de Caspar David Friedrich qui représente un horizon tourmenté au clair de lune, comme si le spectateur cherchait à s’apercevoir au loin. C’est ça la mélancolie, une façon de porter le deuil de quelque chose qui n’est pas encore mort.

Péter Nádas s’est fait connaître avec Le livre des mémoires (Plon, 1998, épuisé), puis avec Histoires parallèles, un roman-fleuve de plus de mille pages sur fond de chute du mur de Berlin (Plon, 2012). Il figure parmi les lauréats du prix de Littérature européenne aux côtés de Doris Lessing, Milan Kundera ou Marguerite Duras. Autant dire que c’est un auteur de belle envergure qui s’exprime dans ce bref essai partant de la contemplation d’un tableau pour revenir aux sources de la création. "Nous sommes des chercheurs d’abris", annonce- t-il. C’est donc dans le mouvement que se manifeste pour lui la mélancolie, et non dans un état. "La mélancolie est souvenir", dit aussi Nádas. Oui, mais souvenir d’un passé fantasmé qui n’a jamais existé. Le mélancolique se "raccroche au présumable". Il est sur le fil du rasoir et il recherche la coupure qui ne vient pas.

Le spleen de Nádas est une fuite rêveuse et savante dans la mythologie, dans les mots, dans la poésie. Il cherche à circonscrire ce qui échappe par définition. Car le mélancolique qui aurait satisfait sa mélancolie ne le serait plus. Il serait seulement triste. L. L.

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