Docteur en psychologie, spécialiste des troubles obsessionnels, le Britannique Frank R. Tallis a mis son expérience professionnelle au service de sa carrière littéraire, publiant des essais de psychologie, puis des romans à suspense. Sous son vrai nom, il est l'auteur d'une série de romans policiers à succès, dont le héros n'est autre que Sigmund Freud, menant des enquêtes dans la Vienne de 1900. Six épisodes ont déjà été publiés en "Grands détectives" chez 10/18. Il revient aujourd'hui sous le "pseudonyme" de F. R. Tallis, avec un "one-shot", Les portes de l'interdit. Non point un polar historique, mais un roman gothique, fantastique, sulfureux, dans la plus pure tradition du XIXe siècle post-romantique, qui se veut à l'origine un hommage à Là-bas de Huysmans, mais où l'on voit aussi planer les ombres de Maupassant, ou du Hugo de Notre-Dame de Paris.
La cathédrale joue en effet un rôle décisif dans cette sombre histoire. C'est là que le docteur Paul Clément, le héros imaginé par Tallis, parviendra, grâce à l'aide de son ami Bazile, sonneur de cloches à Saint-Sulpice, et au père Lestoumel, brave curé de campagne tourangeau métamorphosé en exorciste, à terrasser définitivement l'ignoble succube qui s'est emparé de la jeune Annette, la fille d'Hélène Du Bris, pour qui le praticien nourrit une certaine inclination. Coupable au début, partagée par la suite. Mais avant d'en arriver là, Clément a vécu une dizaine d'années d'enfer, de drames, a perdu plusieurs amis, et causé la mort de Thérèse Coubertin, son premier grand amour, adultère et fortement teinté de sadomasochisme. Son succube avait certainement lu la Justine de Sade. A moins qu'en son temps il n'ait déjà possédé le Divin Marquis. La malédiction de Clément a commencé en 1872, à Saint-Sébastien, une île imaginaire des Antilles françaises, quand il a assisté à l'exécution sanglante d'un jeune zombi par un bokor, un sorcier local. Il avait juré sur sa vie de ne raconter à personne, jamais, cette histoire, mais n'a pas tenu parole. Le succube a envahi son âme et son corps, le poussant à des comportements bizarres, à des pratiques sexuelles déviantes avec Thérèse, tout en lui conférant des pouvoirs funestes. C'est pour cela que, après une première séance d'exorcisme paroxystique qu'il croyait suffisante, il avait décidé de quitter Paris et son travail de neurologue à La Salpêtrière auprès du grand Charcot, ses recherches personnelles sur l'au-delà, la réanimation électrique des morts, pour trouver la quiétude chez les Du Bris, non loin de Chinon. C'était sans compter sur la toute-puissance du Malin...
Tallis a du talent et du souffle, il parvient sans peine à nous entraîner dans sa danse macabre, dans son univers occulte où les frontières sont floues et perméables entre le bien et le mal, la vie et la mort, la foi et le doute, Dieu et le Diable, en lutte permanente. Avec Paris et sa cathédrale comme témoins inquiétants.