12 septembre > Roman France

Bertrand de La Peine- Photo DR/ÉDITIONS DE MINUIT

Lorsqu’elle se sent en danger, la Mantella aurantiaca, une grenouille jaune orangé originaire de Madagascar, produit dans son organisme une drogue puissante : la céruléine. Le docteur Arbogast, après avoir stressé le batracien, en extrait la substance psychotrope à l’aide d’une seringue qu’il injecte ensuite à ses patients. Ce diplômé de l’Académie royale de médecine de Gand n’est pas un médecin comme les autres, c’est un « spécialiste en hypnothérapie », peu soucieux d’écologie. La grenouille malgache compte parmi les espèces menacées de la planète. Ça, Valentin l’ignore et veut juste savoir comment se débarrasser de ces atroces céphalées qui l’assaillent depuis sa chute de l’arbre où il avait eu la mauvaise idée de replacer un nid de moineau. Pour le soigner, le Dr Arbogast lui propose une méthode d’hypnose par l’image. La jolie secrétaire médicale rappelle d’emblée au jeune apprenti iconographe un tableau d’Aphrodite qu’il a vu à Bruges. Ce n’est que le début d’une longue concaténation d’images qui traverse en permanence l’esprit de Valentin et émaille les pages du dernier roman de Bertrand de La Peine, La méthode Arbogast. L’hypermémoire visuelle du héros due à sa lésion au cerveau ne cesse d’associer les paysages où il se trouve aux œuvres des grands peintres. Telle baie déploie « de grands aplats jaune de Mars »,« du bleu pur, au couteau », c’est du Nicolas de Staël ; tel ciel s’étire en abstraites nuances mystiques, c’est du Rothko… Mais l’auteur des Hémisphères de Magdebourg (Minuit, 2009) ne se contente pas d’aligner de belles descriptions, il les fait défiler au rythme de tribulations haletantes. Commencée en Belgique, l’histoire, dans un style très « ligne claire », se poursuit du côté de l’océan Indien. Elle a tout d’un album d’Hergé avec un Tintin un peu plus sexué. Les dramatis personæ sont bien campés et hauts en couleur. L’affreux : Dominique-Olivier Gourbert, dit D.O.G., ex-mercenaire et trafiquant d’animaux rares ; le sympa : Philip Routledge, soûlographe anglais fan de Dire Straits, président de Libertalia, une association protectrice des bêtes en péril basée au nord de Madagascar…, sans oublier la sexy : Sibylle, dont s’éprend Valentin. Infiltrée pour le compte de Libertalia, elle s’était fait embaucher chez le Dr Arbogast afin de libérer les fameux amphibiens mais, elle-même espionnée par « D.O.G. », la voilà kidnappée par le truand… Ainsi commence la folle course-poursuite de Valentin. Et avec elle, notre goût retrouvé pour la fraîcheur du récit.

Sean J. Rose

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