Les maisons d'édition françaises sont catégoriques : le livre politique est une spécialité nationale. Au Royaume-Uni ou aux États-Unis, seules les personnalités les plus éminentes s'y attaquent. Mais en France, « le moindre sous-sous secrétaire d'État au Commerce extérieur se doit de publier son bouquin », ironise Sylvie Delassus, directrice éditoriale non-fiction chez Stock et éditrice de François Hollande (Affronter, 2021). Avant d'ajouter : « Je ne veux pas être cruelle en vous donnant les chiffres mais pour certains, c'est quand même très très mauvais... » De fait, LH Le Mag a demandé à GFK* les chiffres de ventes d'un certain nombre de personnalités politiques sur l'année 2020 et jusqu'à octobre 2021. Ils sont sans appel pour un certain nombre de ministres en exercice : Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du Logement, n'a pas dépassé les 1 000 exemplaires avec Bienvenue en politique : à ceux qui sont tentés de renoncer (Calmann-Lévy), tout comme Olivia Grégoire, secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale, avec Et après ? Pour un capitalisme citoyen (Impact), paru le 21 octobre 2021 et préfacé par le Président himself.
Parmi les ténors de la Macronie, seuls Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie et Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, tirent leur épingle du jeu. Le premier a dépassé les 25 000 ventes avec L'ange et la bête, mémoires provisoires, Gallimard) tandis que le deuxième a réussi à écouler environ 5 500 exemplaires du Séparatisme islamiste : manifeste pour la laïcité (Éditions de l'Observatoire).
En revanche, les différents livres de Marlène Schiappa, en charge de la Citoyenneté, ou celui du ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer École ouverte (Gallimard), paru le 9 septembre 2021, peinent à passer la barre des deux mille exemplaires.
Mais c'est finalement peut-être pour certains candidats à l'élection présidentielle que les ratios sont les plus « cruels » : si la maire de Paris Anne Hidalgo a vendu 2 000 exemplaires d'Une femme française (Éditions de l'Observatoire), comme le communiste Fabien Roussel avec Ma France : solidaire, heureuse et digne (Cherche Midi), cela représente cent fois moins qu'Éric Zemmour (La France n'a pas dit son dernier mot, Rubempré), toujours sur cette période, ou Nicolas Sarkozy et son best-seller Le temps de tempêtes (Éditions de l'Observatoire). Est-ce pour cela que Xavier Bertrand, le candidat malheureux à la primaire LR, demeure l'une des seules personnalités politiques à ne pas avoir écrit ? « Il dit qu'il est sur le terrain et qu'il n'a pas le temps, assure Muriel Beyer. Il place aussi les livres haut dans son estime, ce qui est très respectable. »
* Étude réalisée par GFK pour les titres parus en 2020 et 2021 (jusqu'à fin octobre), tous formats confondus.