Ventes estivales : une très fragile amélioration

Ventes estivales : une très fragile amélioration

Rompant avec la baisse des premiers mois de l'année, les frémissements d'activité perceptibles en juillet peinent à se confirmer. Séduits par la qualité de la production, les libraires abordent la rentrée avec volontarisme.

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Par Clarisse Normand
avec Créé le 26.10.2015 à 17h10

Stanislas Rigot, librairie Lamartine à Paris.- Photo OLIVIER DION

L'été, qui avait plutôt bien débuté, est en passe de se terminer sur une note nettement plus mitigée. D'après les premières remontées de terrain, août aura du mal à conforter la légère reprise ressentie en juin et juillet. Une hausse modeste mais qui est venue interrompre une tendance baissière continue depuis le début de l'année. En outre, sachant qu'il y avait deux jours ouvrables de moins en juin et une journée en moins en juillet, les professionnels ont particulièrement bien perçu ce retour dans le vert. D'autant qu'il est intervenu dans un contexte de forte dégradation des ventes du commerce de détail puisque, selon la Banque de France, celles-ci ont plongé, tous produits confondus, de 7,7 % en juillet.

"C'est une très belle rentrée où, pour une fois, nous avons envie de défendre les livres dont on parle. Emmanuel Carrère, Jonathan Franzen... ça va dépoter !" FRANÇOIS REYNAUD, LES CORDELIERS, ROMANS- Photo LES CORDELIERS

"Je suis assez contente de juillet, lance Noëlle Isch, à la tête de La Nouvelle Librairie sétoise à Sète. La météo n'ayant pas été au beau fixe, nous avons eu du monde, ce qui a permis de terminer juillet sur une note légèrement positive. Je trouve ça très bien compte tenu du contexte." A la Fnac, Sophie Caumeau, directrice des achats de livres, se dit aussi «très contente de l'activité estivale". Outre "de super scores pour les cahiers de vacances", elle évoque l'impact positif de différentes opérations menées tout au long de l'été, notamment celles réalisées en partenariat avec les éditeurs, qui consistent à offrir un livre pour deux achetés dans une même collection. Pas moins de 16 collections étaient concernées, du poche à la BD, en passant par la jeunesse et pour la première fois la fantasy. "Pour que ça marche, il faut se bouger", martèle-t-elle.

"UN VRAI DÉCROCHAGE EN AOÛT"

"J'ai super la pêche." ANNE-SOPHIE THUARD, THUARD, LE MANS- Photo LIBRAIRIE THUARD

S'il se montre lui aussi satisfait par les ventes de juillet, Pierre Coursières, qui dirige la chaîne de librairies Le Furet du Nord, est en revanche nettement plus réservé sur celles d'août. "On a l'impression de payer les bons résultats du début de l'été", lance-t-il. A Rodez, le directeur de la Maison du livre, Benoît Bougerol, va plus loin et parle de "retournement" et de "décrochage" en août : "Alors que notre activité a bien résisté en juillet, sans doute aidée par les caprices de la météo, le retour du beau temps et l'emballement des discours sur la crise ont provoqué un vrai décrochage en août." Pour le président du Syndicat de la librairie française, le marché doit faire face à deux problèmes principaux : le durcissement de la crise et, de manière plus structurelle, l'effritement, lent mais réel, du nombre de grands lecteurs. D'où une inquiétude non dissimulée.

Cernant mal l'orientation actuelle du marché, les libraires sont pour beaucoup, en cette veille de rentrée littéraire, dans l'expectative. Ainsi de Stanislas Rigot, responsable du secteur librairie chez Lamartine à Paris (16e) : "Après un été plutôt mou et finalement décevant, on peut espérer une reprise. Mais si l'on sait que l'on va disposer d'un bon matériel littéraire, on sait aussi que la situation économique sera compliquée."

Surfant sur des taux de croissance de 20 % tous les mois depuis qu'ils ont repris il y a deux ans la librairie Les Cordeliers, à Romans, et qu'ils lui ont insufflé un nouveau dynamisme, François Reynaud et Olivier Badoy se montrent très enthousiastes sur la production qui arrive. «C'est une très belle rentrée où, pour une fois, nous avons envie de défendre les livres dont on parle, observe François Reynaud. Emmanuel Carrère, Jonathan Franzen... ça va dépoter !"

Si les nouveautés littéraires suscitent toujours autant l'intérêt des libraires, les nouveautés politiques, qui, dans la perspective de la prochaine présidentielle, commencent à paraître, donnent lieu à des réactions plus contrastées. "Les livres politiques me posent de plus en plus de soucis, observe Olivier Augier, codirigeant d'Arts et livres au Plan de Grasse (Alpes-Maritimes). La prise de risque est très forte et le plaisir de vendre ces livres faible.Sont-ils vraiment pertinents en librairie sachant qu'ils se vendent sur une période très courte et génèrent souvent beaucoup de retours ?"

RÉNOVATIONS

Mais, au-delà des jugements portés sur la production éditoriale, les libraires comptent aussi sur leurs propres actions pour résister. L'été a été mis à profit pour mener à bien des travaux de rénovation, d'agrandissement... Ainsi chez Planet R à Saint-Lô, Vivement dimanche à Lyon, la librairie des Halles à Niort ou encore L'Amandier à Puteaux, qui a déménagé pour s'installer au coeur de la ville dans un local deux fois plus grand. Consciente que "l'avenir de la librairie passe par l'accueil", Anne-Sophie Thuard, à la tête de la librairie du même nom au Mans, annonce pour sa part la création d'un poste supplémentaire pourvu dès cette rentrée. "J'ai super la pêche", lance-t-elle avec dynamisme. Un optimisme qui fait du bien à entendre.

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