Anatole de Monzie est aujourd’hui tombé dans l’oubli. Pourtant, ses Veuves abusives, dont je viens de préfacer et annoter la réédition en “Cahiers rouges” (Grasset), méritent amplement d’être redécouvertes. Avocat et homme de lettres, Monzie y dresse le portrait à charge de huit héritières de grands hommes — qu’ils aient été écrivains, compositeurs, scientifiques ou même empereurs —, de la compagne de Rousseau à l’épouse de Michelet, en passant par mesdames Tolstoï et Wagner. Publié originellement en 1936 par Grasset, et jamais réédité depuis, Les Veuves abusives s’inscrit dans la lignée des libelles fustigeant les ayants droit desservant un héritage constitué pour l’essentiel d’une propriété intellectuelle. Ce tableau implacable, car documenté, avait été autant salué pour son brio ( “Les veuves abusives ont trouvé leur maître”, avait titré un critique) que tancé en raison de sa misogynie presque caricaturale. Il faut dire que nulle veuve, eut-elle été une épouse dévouée tout le temps du mariage, ne trouvait grâce aux yeux de l’auteur. Toutes étaient d’égales coupables ; alors qu’aucun génie masculin n’était blâmable. Né à Bazas , en Gironde , le 22 novembre 1876 , d’un père directeur des contributions directes, Anatole de Monzie commence d’exercer comme clerc d'avoué avant de gagner le barreau. Il fait ses premières armes dans des affaires de droit d’auteur. Le voilà en plein dans le terrain de jeu des Veuves. En parallèle, il se lance en politique et est élu, en 1904, conseiller général de Castelnau-Montratier , au cœur du Lot , puis député de Cahors , en 1909. Il siège dans les rangs, peu nombreux, des républicains-socialistes . Il rejoint le Sénat en 1920, avant de revenir siéger à l’Assemblée nationale de 1929 à 1940. Il est élu maire de Cahors en 1919. A l’Assemblée, son éclectisme détonne : il milite pour la reconnaissance par la France de l’Union soviétique dès 1922, après avoir prêché pour la reconnaissance diplomatique du Vatican ! Il devient président de la commission des affaires russes, chargée de trouver une solution aux emprunts de même origine. Il est aussi, très tôt, chef de cabinet de Joseph Chaumié , sénateur du Lot-et-Garonne, et ministre de l'Instruction publique en 1902 , puis de la Justice, en 1905. Anatole de Monzie sera à son tour ministre… à dix-huit reprises, soit près de six ans en tout. Dès 1913, il est nommé sous-secrétaire d'Etat à la Marine marchande, puis s’occupera, au gré des remaniements et gouvernements, des Finances, de l’Instruction publique et des Beaux-Arts, de la Justice, des Travaux publics… En 1932, il impose la gratuité de l’enseignement secondaire pour les filles, alors qu’il va croquer ses Veuves moins de quatre ans plus tard… L’année suivante, il instaure le Conseil supérieur de la recherche scientifique. En 1940, il devient président du conseil d'administration du Conservatoire national des arts et métiers. Mais cette belle carrière s’enraye avec l’invasion nazie. Monzie vote les pleins pouvoirs au maréchal Pétain et fréquente assidûment Otto Abetz, ainsi que de notoires collaborateurs de haut rang. Il est forcé de quitter la mairie de Cahors en 1942, avant d’être visé, en 1945, par le Comité national des écrivains . Il décèdera deux ans plus tard. Malgré ces aléas, Monzie n’en sera pas moins resté durant toute sa vie un protecteur des arts et des lettres, ainsi qu’un auteur prolifique. Sa bibliographie débute par Les Réformes scolaires (Stock, 1905) et comprend plus d’une quinzaine d’ouvrages, allant des traités politiques aux contes sur le Quercy. Les Veuves abusives demeure un de ses essais les plus modernes. N'y manquent que le fils indigne et le gigolo avide.