2 septembre > Essai France

Les philosophes finissent toujours par parler d’eux-mêmes. De Régis Debray à Michel Onfray, d’Alain Finkielkraut à Alain Badiou, chacun cède à la tentation d’en dire un peu plus sur soi. André Comte-Sponville le fait au travers d’une franche conversation. Ce n’est donc pas lui qui décide entièrement de ses curiosités et des chemins où il veut entraîner ses lecteurs. Il laisse ce soin à François L’Yvonnet, professeur de philosophie et éditeur. Par ses questions pertinentes, c’est lui qui balise la vie de l’auteur de Petit traité des grandes vertus ("Points essais", 2014) et l’invite à expliquer ses choix.

En dix grands entretiens, le philosophe athée expose sa pensée, indique ses références (Spinoza et Pascal), rend hommage à ses maîtres (Lévi-Strauss, Althusser, Conche), éclaircit ses relations difficiles avec d’autres (Foucault, Derrida, Deleuze), déclare ses amitiés (Clément Rosset) et son attachement à Montaigne puisque le titre, C’est chose tendre que la vie, emprunte aux Essais.

André Comte-Sponville rappelle surtout que la philosophie est une discipline avec des règles. "Philosopher, c’est penser par soi-même, mais pas tout seul." Il ajoute en effet : "S’il vous vient une idée dont vous pensez que personne ne l’a jamais eue, il y a tout lieu de craindre que ce soit une sottise…" Tout le monde a des idées, peu de gens ont une philosophie. Et ceux qui sont capables de l’exprimer clairement sont encore plus rares.

Par ce souci de la clarté qu’il ne faut pas confondre avec de la simplicité, il est apparu comme un initiateur à la philosophie. Homme de gauche, mais philosophe sans étiquette, il parle ici de politique, de civilisation, de la diversité des cultures ou de l’éthique en soulignant que la place de la philosophie reste celle de l’exception. "La philosophie est une pratique théorique (mais non scientifique), qui a le tout pour objet, la raison pour moyen, et la sagesse pour but."

Normalien, agrégé, docteur en philosophie, André Comte-Sponville n’élude pas les drames personnels - la mort de sa fille - ou les difficultés à s’imposer hors de l’Université, surtout quand on a du succès. L’un de ses premiers livres s’intitulait Traité du désespoir et de la béatitude (Puf, 1991). "Ce que j’aime dans le mot désespoir, c’est qu’il indique la difficulté d’un chemin." C’est pour lui le point de départ plutôt que le point d’arrivée. Quant à savoir comment on devient philosophe, la réponse s’avère douce-amère. "Peut-être en découvrant que j’étais plus doué pour la pensée que pour la vie."L. L.

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