Une nouvelle fois, les personnels des bibliothèques de la Ville de Paris sont engagés dans un mouvement de protestation ce samedi 6 juin 2015.  Que se passe-t-il donc pour susciter un tel mouvement social ?

Il ne s’agit pas tant d’une question de moyens. Bien sûr, le bureau des bibliothèques cherche à faire des économies sur les bibliothèques, mais ce n’est pas là quelque chose de très spécifique à Paris. La plupart des bibliothèques de France sont confrontées à cette situation, et, s’il existe quelques mouvements (par exemple à Lons-Le-Saunier), ils sont loin d’être massifs. Ce n’est pas davantage des questions de fond sur l’orientation de la politique de lecture publique. Les bibliothèques innovantes du réseau cohabitent avec les autres sans trop de tensions.

C’est la mise à l’écart de la responsable de la bibliothèque André-Malraux (Paris 6e) qui a mis le feu aux poudres. Le maire de l’arrondissement semblait en désaccord avec la directrice, qui s’est vu écartée de sa fonction alors même que, dans l’organisation des bibliothèques de la Ville de Paris, les responsables d’établissement dépendent du Bureau des bibliothèques et non pas des maires d’arrondissement.

Ainsi, au lieu d’être soutenue par le bureau, la directrice a été “lâchée” par lui, ce qui a suscité le mouvement de personnels de ce samedi. Cet incident n’aurait sans doute pas provoqué une telle réaction s’il n’avait pas été précédé par d’autres visant les responsables d’établissements. Rappelons que le précédent mouvement, qui date de mars 2014, était déjà alimenté par des problèmes similaires. A l’époque, certains responsables de secteurs avaient été mis à l’écart pour soulager le mécontentement. Mais il apparaît aujourd’hui que le problème ne se situe pas (ou pas seulement) à cet échelon.

Une question se pose véritablement sur la relation des personnels des bibliothèques de la Ville de Paris avec le sommet de leur hiérarchie. Plusieurs cas sont vécus comme des problèmes personnels, mais leur accumulation montre bien qu’il existe un dysfonctionnement allant au-delà de la singularité des personnes. Nombreuses sont celles qui souffrent en silence et dans la solitude là où il existe clairement un dysfonctionnement organisationnel.  Le sommet de la hiérarchie du bureau des bibliothèques semble mépriser ces problèmes qu’elle a sans doute provoqués. Par contre, les élus responsables des affaires culturelles (Bruno Julliard en tête) ignorent superbement le malaise, qui ne peut se résoudre tout seul.

Le plus paradoxal dans cette situation est qu’elle contribue à unir tous les personnels autour de leur défense, là où il existait des divergences internes entre certains plus progressistes, ouverts sur les publics, et d’autres plus traditionnalistes, centrés sur les collections. Les bibliothèques de la Ville de Paris qui avaient été récompensées par le Grand Prix Livres-Hebdo des bibliothèques pour leur créativité ne semblent plus en mesure de briller pour leur inventivité, qui se trouve comme figée par une organisation interne paralysante. Les personnels le regrettent à juste titre, qui en sont réduits à organiser un mouvement social. Les usagers en subiront les conséquences là où la situation aurait largement pu être évitée…