Depuis leurs débuts modestes dans un garage de la banlieue de Genève, les éditions Zoé ont fait du chemin. Désormais partie à la conquête des lecteurs de France et de Navarre, la maison célèbre un demi-siècle de littérature sans frontières et compte parmi les nominés des Trophées de l’édition 2025, dans la catégorie petite maison d’édition de l’année.
Galvanisés par le bouillonnement intellectuel post-mai 68, Marlyse Pietri et Xavier Comtesse officialisent la création de la maison en 1975. Tous deux imaginent alors un lieu autonome de fabrication de livres, au moyen d’une machine à imprimer offset. Lorsque Xavier Comtesse s’écarte du projet l’année suivante, Marlyse Pietri s’entoure de trois nouvelles collaboratrices : Arlette Avidor, Sabina Engel et Michèle Fleury.
« Aujourd’hui, la maison a vraiment trouvé sa place en France »
À l’époque, le quatuor féminin pose les jalons d’une maison en symbiose avec les convictions de son temps. Malgré une production limitée à environ six titres par an, les éditions Zoé connaissent rapidement un certain succès autour des écrits de Nicolas Meinberg et de Madeleine Lamouille. Plus littéraires que politiques, des auteurs à l’instar de Robert Walser, Catherine Safonoff, Nicolas Bouvier ou encore Agota Kristof se greffent un peu plus tard au catalogue et en précisent les contours.
C’est aussi grâce à ces fleurons helvétiques, et à la signature d’un contrat avec la diffusion d’Harmonia Mundi en 1992, que la maison gagne en visibilité à l’international et atterrit sur les étagères des librairies françaises. Cette nouvelle dimension, Caroline Coutau, qui a pris la suite de Marlyse Pietri en 2011, a tâché de l’étendre à force de rencontres et d’échanges. « Aujourd’hui, la maison a vraiment trouvé sa place en France. Elle n’est plus identifiée comme une maison suisse, mais juste comme une maison de littérature tout court », précise l’interrogée.
Une génération d’auteurs de tous horizons
L’équipe s’est également agrandie avec sept employés pour renouveler un catalogue qui s’enrichit d’une quinzaine de nouveautés et d’une douzaine de poches par an. Outre la place toujours centrale accordée aux auteurs locaux et patrimoniaux, la maison a également accueilli une génération de talents prometteurs, venus des quatre coins du monde. « Je crois que le sujet du XXIe siècle est l’immigration », confie Caroline Coutau, convaincue de la richesse apportée par les consonances étrangères à la littérature.
Désormais, près de la moitié du catalogue est dédiée à la traduction d’écrivains de Suisse allemande, d’Afrique et d’Asie. Parmi eux, le Sud-africain Ivan Vladislavić, la Soudanaise Leila Aboulela, ou l’Indienne Kamala Markandaya, disparue en 2004. Née d’un père français et d’une mère sud-coréenne, Elisa Sha Dusapin s’est fait remarquer quant à elle avec son premier roman, Un Hiver à Sokcho (2016), lauréat de nombreuses distinctions et dont l'adaptation sur grand écran a été diffusée le 8 janvier dernier.
De la même façon, la plasticienne d’origine anglaise, italienne et suisse, Gabriella Zalapi s’est récemment illustrée avec Ilaria ou La conquête de la désobéissance. Couronné du prix Femina des lycéens, le titre s’est écoulé à plus de 20 000 exemplaires en France. Une chose est donc sûre : la relève est assurée.