Variété des passions est une installation de Jérémie Gindre. Invité par le musée d’Art contemporain genevois, le Mamco, il avait transformé l’une des écoles de la ville en véritable musée avec diorama et les pièces en autant de « salle Camping », « salle Rêve », « salle Malchance », « salle Oiseaux »… « Variété des passions », c’est aussi le titre de la première histoire d’un recueil de nouvelles à paraître à l’Olivier. Entre art et écriture, son cœur balance. L’auteur-plasticien suisse, né en 1978, se tient dans une espèce de zone franche de la création, un espace périphérique, distancié, où c’est dans l’écart et le flottement que s’éprouve le réel. Les personnages d’On a eu du mal ne sont pas des héros, encore moins des antihéros, ces héros en creux, perdants magnifiques, superbes dans leur échec… Non, Paul, Sven, Claude, François… n’ont de défauts que celui d’être un peu trop sensibles - en décalage constant avec leur environnement. Cela dit, pas une hyperesthésie qui vous produit un Proust, juste un garçon embarrassé par sa mère qui se pique d’être « un peu télépathe » lorsqu’il la présente à son meilleur ami de camping (« Variété des passions »). Mélanie Gillioz, collectionneuse de « pives » ou pommes de pin, dans « Et tout casser », a un surmoi atrophié. Cela n’en fait pas pour autant un monstre à la American psycho de Bret Easton Ellis, seulement une jeune femme sans retenue, passant d’un caprice à l’autre : parlant tout fort au cinéma, libérant le chien d’un agent de la sécurité, prête à mettre le feu. La mémoire et le fonctionnement du système nerveux intéressent l’auteur, comme son personnage qui se porte candidat pour des expériences à l’université d’été du Centre de recherche mnésique. Cet extra-ordinaire dans les plis du quotidien, la capacité de résilience à ce qui nous blesse, sont illustrés dans « L’anorak » où François est pris de court par une avalanche. Entre art et littérature, pourquoi choisir ? Gindre fait aussi très bien les installations écrites. S. J. R.