Certes, Marie Sellier, la présidente de la Société des gens de Lettres (SGDL) n’a pas obtenu de réponse du président du Syndicat national de l’édition (SNE), Vincent Montagne, à sa demande d'un cycle de discussions sur un taux minimum de droits d’auteur. Mais les questions qui concernent le partage de la valeur dans la chaîne du livre ont été pour la première fois abordées publiquement, avec tous les acteurs concernés, lors des États généraux du livre « Tome 2 » organisés par la Conseil permanent des écrivains (CPE) le 4 juin à la Maison de la poésie à Paris.
Cette journée de débat, à laquelle participaient notamment, outre les représentants du ministère de la Culture, le président du Centre national du livre, Vincent Monadé, succédait au « Tome 1 » qui s’était tenu, il y a tout juste un an, au même endroit, et qui peut susciter de l’espoir au vu des quelques résultats obtenus. Il était alors question des réformes en cours ou à venir concernant les cotisations sociales et la fiscalité, que les auteurs voyaient arriver comme un rouleau compresseur sur leurs revenus déjà à plat. Un an plus tard, Pascal Ory, président du CPE, pouvait se féliciter de quelques victoires ou semi-victoires, à propos de la compensation de la CSG, et d’une écoute plus attentive concernant les prélèvements sociaux.
Sur la mise en place d’un système de retraite universel, le dossier le plus important à traiter dans les prochains mois, Martin Ajdari, directeur général de la direction générale des médias et industries culturelles au ministère de la Culture, a laissé entendre que l’équivalent de la part patronale des cotisations, qui n’est pas réglée par les éditeurs, pourrait être prise en charge par l’Etat, maintenant la solidarité nationale instaurée en 1975.
La veille, le rapport des inspecteurs généraux de la culture et des affaires sociales sur l’actualisation de la circulaire encadrant les revenus annexes venait d’être enfin communiqué aux représentants des auteurs, qui l’ont trouvé plutôt positif et encourageant.
De la même façon, la création d’une cellule fiscalité sous la responsabilité de Gilbert Borjon au ministère de la Culture semble prometteuse d’une appréciation plus fine du sujet, et d’une compréhension des spécificités des divers dispositifs concernant le secteur et ses acteurs. La direction des affaires sociales a aussi entendu les difficultés dans lesquelles se débattent les auteurs pour obtenir les prestations auxquelles ils ont droit, mais que les agents des caisses primaires de sécurité sociales à qui ils ont affaires ignore le plus souvent.
Un lapin et des chasseurs
Quelques récits kafkaïens d’auteurs se débattant dans l’incompréhension et l’indifférence ont donné une dimension humaine très concrète à ces problèmes. David Hoyrup, chargés des réformes des artistes auteurs à la direction de la sécurité sociale, a reconnu que ces situations n’étaient pas admissibles et a pris l’engagement d’informer et de former les personnels concernés.
Et le transfert du prélèvement des cotisations sociales à l’Urssaf du Limousin s’est finalement plutôt bien passé, alors que Nicolas Georges, directeur du service du livre et de la lecture au ministère de la Culture, a reconnu que la faisabilité de ce projet apparaissait incertaine l'été dernier. En revanche, il reste à résoudre le problème des auteurs découvrant qu’ils n’ont pas de retraite faute d’avoir cotisé, alors qu’ils croyaient être en règle.
Symbolisée par ce gâteau dont une maigre tranche représentait la part des auteurs, la question de la répartition de la valeur a donné lieu à des échanges plus intenses, menés notamment par des auteurs jeunesse qui sont les plus mobilisés parce qu’ils sont les moins favorisés dans cette chaîne. « J’ai l’impression d’être un lapin dans un banquet de chasseurs », constatait Gilles Haéri, P-DG d’Albin Michel, sans se départir de son flegme habituel.
Vincent Montagne, président du SNE et P-DG de Média Participations, a dû puiser dans ses ressources pour se contenir face à des interpellations multiples, qu’il n’estimait pas justifiées. Les deux éditeurs sont convenus que la surproduction devenait un fardeau pour l’ensemble des acteurs du livre, libraires compris ainsi que l’a aussi expliqué Xavier Moni, président du Syndicat de la librairie française.
Mais pour un éditeur, réduire son programme de nouveautés au risque d’être évincé des tables des libraires au profit de concurrents qui maintiendront la leur, présente le même risque qu’une nation convenant avec d’autres qu’il serait sage d’arrêter la course aux armements : qui commence le premier ? « Le métier d’éditeur ne consiste pas à publier un livre, mais dix en espérant que l’un d’entre eux se vendra », a reconnu Vincent Montagne, en soulignant que les entreprises du secteur sont elles aussi victimes de la baisse de la lecture: « 74% des 720 adhérents du SNE sont en déficit » a-t-il insisté.
Samantha Bailly, présidente de la Ligue des auteurs professionnels, a regretté que dans un secteur où tout est régulé, les auteurs ne sont pas reconnus comme des acteurs économiques exerçant un métier : « Nous ne sommes pas une variable d’ajustement des charges » s’est elle insurgée.
Un peu d'espoir
L’intervention de Catel Muller, auteure de BD expliquant que l’agent littéraire François Samuelson qui la représente l’avait sauvée d’une relation mortifère avec ses premiers éditeurs, a été écoutée avec attention. De son côté, Géraldine Schwarz, auteure franco-allemande (Les Amnésiques, Flammarion et Sécession Verlag) a exposé son expérience d’outre-Rhin, notamment à propos de l’organisation et de la rémunération des interventions, qui a fait rêver nombre de ses homologues français présents dans la salle.
Sans passer pour un donneur de leçon auprès de ses confrères, Olivier Sulpice, P-DG et fondateur de Bamboo, s’est efforcé de montrer que la guerre de tous contre tous n’est pas une fatalité, en expliquant qu’il réglait depuis le 1er janvier 12% de droits.