5 questions à Eric Khoo sur Yoshihiro Tatsumi

Erick Khoo et Yoshihiro Tatsumi

5 questions à Eric Khoo sur Yoshihiro Tatsumi

Le film Tatsumi rend hommage à un mythe de la bande dessinée japonaise. Il sort mercredi en salles.

Par Vincy Thomas
avec vt Créé le 15.04.2015 à 21h52

Le cinéaste singapourien Eric Khoo (My Magic) a réalisé un film entièrement animé autour de la vie de l'auteur et dessinateur japonais Yoshihiro Tatsumi. Des adaptations de cinq de ses histoires fictionnelles ponctuent chaque étape de la vie du mangaka, de son enfance à sa reconnaissance. Vertige graphic a publié au début des années 2000 certaines de ses oeuvres (Coups d'éclat, Les larmes de la bête, Good bye) tandis que Cornélius a édité L'enfer en 2008 et les deux volumes d'Une vie dans les marges en octobre dernier.

Tatsumi a été présenté l'an dernier au Festival de Cannes. Il sera dans les salles de cinéma mercredi prochain. Nous avons rencontré le réalisateur pour évoquer l'un des mythes de la bande dessinée japonaise.


Livres Hebdo : Quelle a été votre motivation pour réaliser un film d'animation autour de la vie et de l'oeuvre de Tatsumi ?

Eric Khoo : Je suis un fan de Tatsumi et de son art depuis 20 ans. Il aurait été impossible pour moi de faire autre chose qu'un film animé à moins de vouloir trahir son talent. Mes premières BD étaient des « comics » américains classiques, puis des BD indépendantes comme Splendor ou des albums européens quand ils étaient traduits en anglais. J'ai découvert ensuite la BD japonaise. Et la première fois que j'ai lu un recueil de Tatsumi, j'ai été époustouflé par son univers. D'ailleurs, je reste persuadé que cet impact serait le même si je le découvrais aujourd'hui.



Livres Hebdo : Quel a été le déclic pour faire ce film ?

Eric Khoo : Aussitôt que j'ai lu son autobiographie (inédite en France, NDLR), j'ai su que le format du film biographique ne me suffirait pas. Je voulais également insérer certaines de ses histoires fictionnelles. Sa propre vie ne devait servir que de fil conducteur. Le défi était de faire tenir l'ensemble en 90 mn. J'avais fait une première sélection de quinze histoires mais en 90 mn, l'équipe d'animation nous a expliqué que nous étions limités à cinq. Tatsumi et moi avons fait le tri sélectif. Et il se trouve que toutes les histoires choisies dataient de la même époque...



Livres Hebdo : Comment avez-vous pu le rencontrer ? il est très discret, presque secret...

Eric Khoo : J'ai d'abord contacté mes amis japonais à Singapour. Puis un de mes bon amis qui travaille chez Fuji m'a suggéré d'adresser une vraie lettre traditionnelle à la japonaise, calligraphiée, sur vieux papier. Tatsumi m'a alors répondu et j'ai finalement pu le rencontrer fin 2009. En fait j'étais dans le même état d'appréhension que lui quand il a rencontré Osamu Tezuka quand il était jeune. Nous avions rendez-vous dans un sous-sol de café, avec un interprète. Il était grand, dégageait une belle aura. Mais la glace s'est brisée quand je lui ai montré mon carnet de dessin avec les premières esquisses du film. Il était étonné que je sache dessiné. Depuis, un rapport confraternel s'est créé. Nos univers ne sont pas si éloignés. Tatsumi me disait que le personnage de mon précédent film, My Magic, aurait pu être l'un des siens.



Livres Hebdo : C'est un mangaka légendaire mais il semble avoir été oublié ...

Eric Khoo : Dans ce marché où 1 million de titres sort chaque année, il me semblait utile de le présenter à une nouvelle génération. C'est à la fois drôle et un peu triste. Tatsumi a eu cette réflexion quand nous nous sommes vus la première fois : « mais quelle idée de faire un film sur un dinosaure ? ». Et c'est vrai qu'on connaît Astro Boy sans savoir que son auteur s'appelle Tezuka. Aujourd'hui, ceux qui ignoraient tout de ces deux auteurs les redécouvrent. C'est une manière de faire revivre et connaître ces talents. Et si, en plus, le film vous plait sans que vous n'y connaissiez rien, alors mon objectif est atteint.



Livres Hebdo : Vous avez finalisé votre film au moment où la catastrophe de Fukushima est survenue au Japon. Notamment dans L'enfer, votre film y fait un étrange écho.

Eric Khoo : C'était évidemment une coïncidence tragique. J'étais frappé par les images si ressemblantes entre les reportages à la télévision et celles de L'enfer. Ce jour-là j'ai appelé mon producteur japonais pour avoir des nouvelles de Tatsumi. J'ai appris qu'il était en train de dessiner. Le cadeau en porcelaine que je lui avais offert s'était brisé en mille morceaux. Mais comme il avait reçu de nombreux messages pour connaître son sort, il a fait une réponse collective : un dessin où il travaille au milieu d'un Japon dévasté.

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