10 avril > Contes états-Unis

En 1874 paraît en Angleterre une parodie d’Esope, Les fables de Zambri, signée Dod Grile. Il s’agit, selon cet auteur, d’une traduction par ses soins d’un contemporain persan de Zoroastre. Sous ce nom bizarre se cache le satiriste américain Ambrose Bierce. Correspondant pour les journaux outre-Atlantique et également collaborateur de publications britanniques, l’auteur du Dictionnaire du diable a émigré à Londres, où bon nombre de compatriotes - dont Mark Twain - se côtoient. Bierce qui, dès ses débuts à la San Francisco News Letter, avait fait de sa mordacité naturelle une marque de fabrique, est conquis par les cercles intellectuels et journalistiques de la société victorienne, le fameux humour british. Mais il ne réussit guère à percer. Après la mort de son principal soutien financier, il ne tarde pas à rejoindre son épouse, enceinte de leur troisième enfant, déjà repartie à San Francisco. Goodbye Albion ! Le revoilà à nouveau en Amérique, mais avec le regret du pays de Dickens et de Thackeray, et le sentiment de n’y avoir pas donné la pleine mesure de son talent. L’amertume n’entache pas l’admiration : « Nous devons à l’Angleterre, écrit-il dans le magazine The Argonaut en 1878, presque tout ce qui est bon dans notre civilisation américaine. » En Angleterre, pourtant, ses contributions régulières au Fun, le principal concurrent de Punch, amusent beaucoup le lectorat anglais. Son détournement des fables d’Esope, d’abord publié sous forme de chroniques, fait florès. Connaissant une seconde jeunesse, Les fables de Zambri vont continuer à alimenter les colonnes satiriques des journaux américains. Ane, grenouille, cochon, mouton, chat… c’est l’habituelle ménagerie des contes moraux, avec quelques ajouts exotiques, tel l’hippopotame. Emaillées d’acides observations sociales (« être invité à dîner ne signifie pas toujours la même chose qu’être convié à dîner »), ces histoires nous apprennent que l’on se fait toujours manger à la fin. Cynique ? Guère étonnant pour celui qui prit le pseudonyme de Dod Grile, l’anagramme de riled dog, « chien agacé ».

La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

S. J. R.

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