Tremplin pour de nombreux auteurs, l’adaptation d'une BD sur les écrans est un véritable enjeu économique pour le 9e art. Un intérêt que le Festival international de la bande-dessinée a souhaité mettre en avant durant une conférence réunissant le président de Xilam, Marc du Pontavice, le Manager IP Scouting séries Netflix USA, Joey Brown et le directeur du développement adjoint de Gaumont, Guillaume Colboc. Ensemble, ils ont échangé sur les bonnes démarches et les faux pas liés à la vente d’adaptations BD.
Secrets de fabrication ou réelle subjectivité, les trois intervenants ont insisté sur l’importance du coup de cœur. « Il n’y a pas vraiment de règle quand on choisit une BD pour l’adapter » averti Guillaume Colboc. Quelques repères sont tout de même à garder en tête pour Marc du Pontavice, dans le métier depuis les années 90. « Le plus important est la puissance d’un personnage, sa caractérisation », explique-t-il. Selon lui, le personnage doit être suffisamment travaillé pour garder sa pertinence une fois extrait de son support et ne pas lasser le spectateur. « Sur une série de 500 épisodes comme Oggy et les cafards, c’est absolument essentiel », illustre-t-il. Joey Brown confirme qu'une bonne série est celle qui est conduite par un bon personnage. Grand amateur de BD franco-belge, il met également l’accent sur l’intérêt porté aux « local voices » : « Nous aimons les livres où l’on perçoit la spécificité du territoire », estime celui qui arrive de Los Angeles pour faire son marché.
Se détacher de son support
Pour les trois hommes, ces particularités permettent aux sujets et à sa dramaturgie de se détacher de son support pour devenir une histoire autonome, qu'elle soit adaptée en prises de vue réelles ou en animation, en film ou en série. Selon eux, c'est ça la clef idéale pour une adaptation de BD. « Pendant plusieurs années, j’ai essayé d’adapter Blast de Manu Larcenet mais cela a toujours échoué. Chaque nouvelle tentative appauvrissait la version originale car c’est un récit dont l’histoire est indissociable de son support. », raconte Marc de Pontavice. Il faut aussi être imaginatif : Guillaume Colboc qui annonce la préparation de l'adaptation de la grande odalisque de Bastien Vivès, Mulot et Ruppert, en prises de vues réelles, rappelle les contraintes financières et logistiques qu'il faut prendre en compte.
Savoir trahir sans être infidèle. Les trois intervenants ont souligné l'importance de la place de l'auteur, en amont. Veut-il s'impliquer ou pas? Cela évite les déconvenues pour la suite du développement du projet. Pour Netflix, cela va même plus loin. Certes, un scout peut piocher ses projets à travers les marchés, les catalogues d'éditeurs et les propositions des agents. Mais de plus en plus, la plateforme n'hésite pas à signer des contrats avec les auteurs pour qu'ils développement leurs propres idées. Pour Guillaume Colboc, dans la grande tradition de la Gaumont, rejoint par Marc du Pontavice sur ce point, il faut aussi compter sur l’importance de la « vision d’adaptation ». « C’est toujours bien d’avoir la vision d’un réalisateur ou d’un scénariste », précise-t-il. Tous légitiment l'appropriation cinématographique.
Comme un lien énigmatique, on retrouve d’ailleurs cette réflexion autour des supports sur une planche de Christophe Blain dans l’exposition que le FIBD met en scène au Vaisseau Moebius. « Dans la dernière case, j’ai utilisé un fondu au noir cinématographique. Eh bien… non. Non et non, il ne faut pas faire ça. On voit que c’est un film que je me raconte, mais je pense qu’en bande dessinée, ça ne passe pas. »