1. Avocat excité . Amis pédophiles, bonjour ! Après trois jours de stupéfaction, où l'incrédulité (« C'est pas vrai, il a pas dit ça ! ») le disputait à l'incrédulité (« En vrai, c'est pas vrai, il a pas pu dire ça ! »), Libération a donc mis un terme au suspense en donnant à entendre l'intégralité du fameux « point de presse » de Nicolas Sarkozy à Lisbonne, le 19 novembre. L'enregistrement, qui dure près de 12 minutes, vaut son pesant d'or. En résumant à gros traits, le propos présidentiel tient à peu près à ceci : les journalistes, qui sont des pédophiles (il a les noms) n'ont pas à prêter foi aux élucubrations d'un « avocat excité » (sic). NS ne faisait pas allusion à notre collaborateur Emmanuel Pierrat, mais à M e Morice, qui défend les familles des victimes de l'attentat de Karachi. Rappelons qu'à l'époque où se passait la vente d'armes source de toute cette affaire, en 1994, Nicolas Sarkozy, pour se donner un peu d'épaisseur auprès d'Edouard Balladur, dont il allait devenir le porte-parole de campagne, « signait » chez Grasset un livre intitulé Georges Mandel, le moine de la politique (largement « inspiré » de la biographie de Bertrand Favreau, mais c'est une autre histoire). Rappelons également qu'avant d'entrer en politique, Georges Mandel avait été journaliste, et que, dreyfusard convaincu, il avait collaboré à l'Aurore de Georges Clemenceau, le journal où était paru le fameux « J'accuse » d'Emile Zola. Rappelons enfin que sans l'acharnement - notamment - des journalistes à rétablir la vérité, Dreyfus serait resté au bagne. Nicolas Sarkozy n'aurait-il pas lu le livre qui porte son nom ? Son véritable auteur ne serait-il alors qu'un imposteur ? Que fait la police ? 2. Femme féministe . Sarah Palin, l'égérie des tea-parties et de la droite américaine ultra-conservatrice, a donc publié ce mardi 23 novembre un livre-programme destiné à la mettre en orbite pour la course à la Maison Blanche : L'Amérique au cœur. Réflexions sur la famille, la foi et le drapeau . Inutile de préciser que le contenu en est carabiné. Le Huffington Post, ce quotidien américain de l'ère Internet qui taille de solides croupières à la presse papier, en publiait des extraits le jour même. Signalons, au passage, que pour un ouvrage qui n'est pas du Deleuze, le Huff Post présentait ces extraits de façon attrayante : un diaporama de 17 séquences, qui s'ouvraient sur une photo en rapport avec l'extrait choisi. On y apprend, notamment, que Sarah Palin a beaucoup aimé Juno , ce film américain (par ailleurs de bonne facture) dans lequel une lycéenne enceinte songe d'abord à se faire avorter, mais décide finalement d'accoucher et de trouver une famille d'accueil à son enfant : « Si le film avait été européen, l'héroïne aurait avorté dès la première séquence, et elle aurait passé le restant du film à fumer des cigarettes en méditant sur le sens de la vie », écrit Sarah Palin. On y apprend aussi que les journalistes des grands medias bien pensants (mainstream media) ont en commun avec les professeurs d'université de ne pas partager la foi religieuse profonde des vrais Américains. Bref, ce ne sont pas (forcément) des pédophiles, mais à coup sûr des mécréants. Enfin, à ceux qui lui reprochent de ne pas être féministe, elle rétorque qu'elle incarne un nouveau type de féminisme, dont elle ne donne pas vraiment la définition, sinon par antithèse : « not the bra-burning type » . En clair, les féministes seraient ces hystériques (« excitées », dirait quelqu'un d'autre) qui brûlaient leurs sous-tifs dans les années 1970. Un peu réducteur, peut-être ? Accessoirement, toujours à propos de ce livre, je ne comprends rien à la politique tarifaire d'Amazon.com. America by Heart devrait logiquement être vendu 25,99 euros en version papier, et 19,99 euros en version Kindle. Pour le lancement de l'ouvrage, le site proposait une offre exceptionnelle : la version papier à 13,79 euros, et la version kindle à 12,98 euros. En faisant baisser quasiment de moitié le prix de la version papier, Amazon contribue à accréditer dans le public l'idée que le livre est forcément un produit vendu trop cher en librairie. Et la version Kindle, à peine moins chère du coup, perd de son intérêt (alors que là, Amazon maîtrise presque toute la chaîne...). 3. Jeune loup . La Fnac, parfois présentée comme « le premier libraire de France », aura donc un nouveau PDG début 2011, Alexandre Bompard, 38 ans. « La Fnac, ce sont 20 000 salariés, 5 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 12 filiales dans le monde. Alexandre Bompard effectue un mouvement vers l'industrie », aurait résumé, selon le site du Point , l'entourage du nouveau PDG pour présenter cette arrivée comme un saut qualitatif dans sa carrière de (encore jeune) loup, qui avait commencé son parcours à Canal+. Façon à peine voilée (et dédaigneuse) de dire que les médias, c'est pas grand-chose, en comparaison de la vraie industrie. Pour ceux qui n'auraient pas suivi le feuilleton, il y a six mois, pourtant, Alexandre Bompard se voyait déjà occuper le fauteuil de Patrick de Carolis à la tête de France Télévisions, qui lui aurait été promis par NS. Des fuites malencontreuses (ou au contraires vipérines) ont torpillé une nomination qui aurait paru trop « téléguidée » de l'Elysée. Comme Bompard n'avait prévenu personne à Europe 1, et même pas son grand patron, Arnaud Lagardère, son vrai-faux départ a provoqué rue François 1 er , siège de la radio, une guerre des clans sanglante qui continue aujourd'hui. En outre, Bompard quitte Europe 1 alors que les derniers chiffres d'audience affichent un nouveau recul. Quand on pense qu'il y a 40 ans, Europe 1, c'était « la » station dans le vent, et qui avait le vent en poupe. On a l'impression, depuis les années 1980, d'un long mais inexorable déclin à la France Soir . Bienvenue à la Fnac...