Le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) lance une mission sur la loi applicable à l'entraînement de modèles d'intelligence artificielle hors Union européenne. Elle est confiée à Tristan Azzi, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et Yves El Hage, maître de conférences à l’Université Jean Moulin Lyon 3.
Un état des lieux
Cette mission vise à examiner l’état de la réglementation et de la jurisprudence applicable au plan national et international, à présenter les questions de conflits de lois entre le développement de l’IA et le droit d’auteur et à étudier les différentes options permettant de clarifier le traitement de ces conflits afin de garantir les intérêts des auteurs.
L'étude fait écho au règlement européen sur l’Intelligence artificielle (RIA) du 13 juin 2024 qui a pour objectif, conformément à son article 1er, de promouvoir l'adoption d'une intelligence artificielle (IA) « centrée sur l’homme et digne de confiance tout en respectant les valeurs de l’UE. »
Afin de donner toute sa portée à cette orientation, face à des opérateurs technologiques qui sont très souvent établis sur le territoire d'États tiers à l'Union, le règlement retient une approche d'application extraterritoriale commune à de nombreux textes européens applicables à la régulation des services numériques.
A cet effet, l'article 2 du règlement, éclairé par son considérant 106, précise que ses dispositions s'appliquent aux fournisseurs de système d'IA établis ou situés hors de l'Union, lorsqu'ils mettent sur le marché européen, y compris à titre gratuit, un système d'IA ou un modèle d'IA à usage général couvert par le RIA.
Portée extra-européenne
Le RIA s'applique également lorsque les sorties produites par un système d'IA sont utilisées dans l'Union, sans qu'ait d'incidence le lieu d'établissement du fournisseur ou du déployeur du système concerné.
Les fournisseurs de systèmes d'IA à haut risque extra-européens ont, enfin, l'obligation de nommer un mandataire installé dans l'Union (article 22).
En matière de droit d'auteur et de droits voisins, les fournisseurs qui mettent des modèles d'IA à usage général sur le marché de l'Union doivent veiller au respect des obligations prévues par l'article 53 du RIA. Et ce notamment via la mise en place d'une politique visant à respecter le droit de l'Union dans ce domaine, en particulier pour identifier et respecter une réservation de droits (opt out exprimée par les titulaires de droits, conformément à l'article 4, paragraphe 3, de la directive (UE) 2019/790. Selon le considérant 106 du RIA, ils doivent se conformer à ces obligations, « quelle que soit la juridiction dans laquelle se déroulent les actes pertinents au titre du droit d'auteur qui sous-tendent l'entraînement de ces modèles d'IA à usage général ».
Cette portée extra-européenne explicite vise à prémunir les auteurs et les titulaires de droits voisins contre tout risque d'affaiblissement de leur protection en évitant de favoriser, en dehors même de toute fraude, les opérateurs installés dans des pays appliquant des règles de droit d'auteur ou de droit voisin moins protectrices que celles prévues dans l'Union.
Les conclusions de la mission sont attendues en décembre 2025 pour la dernière séance plénière du CSPLA de l’année.
Pour le dIAlogue
En parallèle, le CSPLA annonce également le lancement d’une concertation entre les développeurs de modèles d’IA génératives et les ayants droit culturels. Dans la continuité du dialogue au Sommet pour l’action sur l’IA à Paris en février, ces échanges doivent permettre le développement d’une IA « éthique de confiance au service de notre modèle de société et de l’économie. » Ainsi qu’une meilleure compréhension des enjeux réciproques entre les acteurs technologiques et ceux de la filière de la culture, les intérêts communs et « l’identification de bonnes pratiques pour la négociation d’accords de licence. »
Un dialogue encouragé et confié, par la ministre de la Culture Rachida Dati et Claire Chappaz, ministre déléguée chargée de l’IA et du Numérique, à Marc Bourreau, docteur en économie, et Maxime Boutron, maître des requêtes au Conseil d’État.