Sa part d'ombre. En plein désert, sous un soleil de feu, une fillette avise l'ombre d'un petit rocher et s'en fait un refuge. Elle est bientôt rejointe par un serpent puis un lièvre, un hérisson, une biquette, un sanglier et on en passe. Au péril peut-être de sa vie, toute cette petite arche de Noé de la grande sécheresse doit trouver sa place dans un minuscule espace. Une gageure pour les naufragés du soleil, mais une gageure aussi pour l'illustrateur Adrien Parlange qui doit faire tenir tout ce monde dans un triangle d'ombre qui s'étire et tourne selon l'heure. Un autre danger menace. Tout oppose les cohabitants de l'ombre. Le serpent peut à tout moment mordre la fillette, le lièvre, déloger les oiseaux, et le sanglier, tout renverser sous sa lourde masse. L'équilibre tient à un fil mais, in fine, chacun fait une place à l'autre et quand le soleil est enfin couché, dissipant l'ombre, chacun peut se féliciter de l'exploit qu'il vient d'accomplir. Adrien Parlange, lui, est un magicien de l'exploit graphique. À chaque page, le lecteur se demande comment il va encore pouvoir caser un nouvel arrivant. Et, à chaque page, l'architecture à la fois drôle et inventive tient miraculeusement. L'histoire est bien sûr une allégorie du devoir de solidarité. Comment vivre ensemble alors qu'on est si différent, si peu enclin à dominer ses peurs et ses préjugés ? Plus que jamais, en ces temps de ressources planétaires diminuées et de migrations climatiques, cet album résonne avec nos angoisses et nos espoirs.