4 AVRIL - CHRONIQUES Canada

Quoique déjà senior puisqu'il est né en 1948, Crad Kilodney s'est parfaitement adapté aux techniques les plus modernes. La preuve : les vingt chroniques délirantes qui constituent le présent volume de ses Exotic cities - titre transposé en français avec comme petit plus l'adverbe "bigrement » - proviennent en effet, non de quelque obsolète ouvrage publié, mais d'un blog consultable sur l'adresse http://cradkilodney.worldpress.com/. A moins que tout cela ne soit aussi improbable que son CV de bourlingueur, lequel ne nous permet pas de distinguer s'il est un Canadien né aux Etats-Unis, ou l'inverse. La seule donnée qui semble sûre est que Kilodney vit à Toronto, une métropole multiethnique et pluriculturelle qu'il ne cesse de brocarder, notamment ses gays et ses Tamouls, dans un pays dont il essaie de jumeler toutes les autres villes avec les cités les plus démentes où il prétend s'être rendu.

Sa description de Mogadiscio, par exemple, capitale de la Somalie qu'il dit jumelée avec Miami et qui se distingue par "la civilité, le raffinement, la paix, l'ordre, la sécurité, la courtoisie et la propreté » qui y régneraient, ne laisse pas de nous interloquer.

Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que Crad porte bien son prénom, garçon très porté sur la gaudriole explicite et les Noëls mammaires, et qu'il vaut mieux que le touriste téméraire qui désirerait visiter les endroits qu'il nous décrit ne se fie pas à ses indications péremptoires. Quel que soit l'endroit pourri de la planète où il débarque (genre Pyongyang, Mogadiscio - précédemment citée - ou Pisagua, au Chili), il trouve toujours un hôtel de luxe dont le directeur, en général un Européen, l'accueille en personne, lui réserve le traitement top-VIP, et missionne, pour toute la durée de son séjour, quelque cicérone à la fois titulaire de plusieurs mastères et d'une forte poitrine. Quant aux éventuels soucis inhérents à ce genre de voyages hors des sentiers battus, que le lecteur n'éprouve aucune inquiétude. En particulier, au Pakistan ou en Afghanistan, qu'il n'hésite pas à se revendiquer en tant qu'Occidental, surtout Américain, et l'accueil le plus chaleureux lui sera réservé ! Quant aux petits bobos éventuels, Kilodney, qui pense décidément à tout, clôt chacun de ses chapitres sur quelques précautions de base : ainsi pour Goma, ville de la RDC (République démocratique du Congo) - l'autre Congo, ex-Brazzaville, ne présentant à ses yeux aucune espèce d'intérêt - et prétendue capitale africaine de la comédie et de la vie nocturne, vaut-il mieux être vacciné contre l'éléphantiasis, la leptospirose et la maladie de Forbes. Goma, naturellement, est jumelée avec Ottawa et fréquentée par toutes les stars de la planète, dont Ozzy Osbourne et Johnny Depp. En revanche, les gros Américains, comme Michael Moore, courent le risque de s'y faire dévorer par des cannibales. "Personnellement, je ne le regretterai pas », conclut Kilodney.

Arrivé on ne sait trop par quels canaux au Dilettante, éditeur plutôt traditionnel et "papier", Villes bigrement exotiques est un véritable « olni  » (objet littéraire non identifié), un petit bijou de style, de vacherie et d'humour à froid british. Crad Kilodney, déjà citoyen du Commonwealth, pourrait être anglais. Prendra-t-il cela comme un compliment ?

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