Il est musicien, compositeur, interprète, mais aussi auteur jeunesse. À 51 ans, Guillaume Aldebert, dit Aldebert, jongle entre tournées de métal pour enfants et pérégrinations en librairies. Depuis 2018, l’artiste qui performe à guichets fermés joue dans la cour de récré de la littérature jeunesse. D’abord publié chez Hachette, il a ensuite prêté sa voix sur le Show Bizarre de Mortelle Adèle, avant de donner la réplique dans le dernier film de la Pat’Patrouille.
Déclinant ses « enfantillages » sur papier, il a créé la série Les histoires extraordinaires d’Aldebert chez Glénat Jeunesse, vendue, à ce jour, à 15 000 exemplaires. À l’occasion de la parution de Gaspard et la légende du chien-garou, suite des aventures de son petit héros, l’artiste nous dévoile les coulisses de son univers.
Livres Hebdo : En 2018, vous publiez votre premier livre chez Hachette. Comment êtes-vous passé de la musique à la littérature ?
Aldebert : Il y a une vraie passerelle entre les deux. J’ai toujours eu une écriture très visuelle, inspirée de ma culture qui a été très BD. À l’époque, j’avais fait une école de photo et de vidéo, donc j’ai toujours un peu été dans ce médium. J’ai aussi appris à faire des chansons et de la musique en mode « planches BD », c’est-à-dire avec une histoire, des personnages, un point de vue et une petite chute quand il y en a une. J’ai un gaufrier mental en fait ! Avec l’écriture des aventures de Gaspard, je ne me sens pas aussi à l’aise qu’en chanson, mais je découvre. C’est un nouveau terrain. La forme est différente, mais c’est un peu le même procédé.
« Avec Gaspard, je convoque tout ce qui m’a fasciné ou effrayé »
Enfant, quel genre de lecteur étiez-vous ?
J’étais un grand lecteur de BD dans le sens où je ne me souviens pas avoir passé ne serait-ce qu’une soirée sans avoir lu une BD. J’en ai des tonnes ! Petit, j’étais ami avec le vendeur de BD de la librairie indépendante de Besançon qui m’a fait découvrir des trucs très différents, comme Gil Jourdan, Hermann avec Jeremiah, ou encore Serre qui faisait des dessins assez trashs, mais hyper léchés. Il y a aussi eu les « livres dont vous êtes le héros » qui m’ont conduit à Lovecraft et à quelques terreurs nocturnes (rires). Finalement, comme en musique, j’allais partout.
Chez Hachette, vos albums jeunesse s’adressaient à un tout jeune public, situé entre 4 et 6 ans. Aujourd’hui, votre lectorat est un peu plus âgé. Comment avez-vous adapté votre discours ?
Je crois que j’avais un peu de mal à enfiler le costume des 4-6 ans, dont la lecture est plutôt faite par les parents. Avec les histoires de Gaspard, je suis plutôt sur les premiers lecteurs, entre 7 et 13 ans. Je crois que c’est plus facile parce qu’aujourd’hui, mes enfants ont 6, 9 et 11 ans, donc à travers leur prisme, je saisis mieux leur sensibilité. Et puis c’est une période de mon enfance dont je me souviens vraiment très bien.
On retrouve donc beaucoup de vous dans vos albums ?
Ça dépend, mais c’est vrai qu’avec Gaspard, je convoque tout ce qui, quand j’étais enfant, m’a fasciné ou effrayé. Le dernier album est donc un mélange de plusieurs choses. D’abord, de mes souvenirs de colo, qui me sont remontés d’un coup lorsque je suis tombé sur une publication, sur les réseaux sociaux, annonçant la fermeture du centre de vacances des Pupilles à Mouthe, dans le Doubs. Mais aussi le film de Claude Miller, La meilleure façon de marcher, avec Patrick Dewaere, un drame assez glauque avec deux moniteurs de colo dont l’un harcèle l’autre. C’est un film qui m’a beaucoup marqué et qui m’est revenu en tête quand j’ai travaillé avec la veuve du réalisateur, pour faire la musique d’un de ses films. Finalement, c’est ce qui a donné l’histoire de Gaspard et la légende du chien-garou avec un moniteur très beau gosse à la Thierry Lhermitte des Bronzés, et un autre, plus timide, qui veut exister.
« Il faut trouver un moyen de consommer les écrans ensemble »
Ce n’est pas la première fois que ces thématiques, le harcèlement, la confiance en soi, se tissent en filigrane dans vos albums.
Dans les aventures de Gaspard, il y a toutes mes passions, beaucoup de tendresse, mais aussi des peurs. Tout ça devient un support d’écriture. La série ouvre une porte au fantastique comme avec Le mélangeur des rêves, qui évoque un peu les cauchemars de mon enfance. Quant au harcèlement, je ne l’ai pas connu comme Antoine Dole, mais j’ai reçu plusieurs coups de pression psychologique au collège, alors j’imagine que ça transparait un peu. Il y a aussi le personnage de Justine, l’ado métalleuse, dont je me sens hyper proche ou tout ce décorum avec des monstres, des têtes de mort, qui fait écho à ma culture des films d’horreur.
Dans Gaspard et la légende du chien-garou, les enfants de la famille Bonifarce sont envoyés en classe verte, loin des écrans. C’est d’ailleurs ce qui va permettre aux protagonistes de faire appel à leur imaginaire.
La question des écrans me préoccupe pas mal et en même temps, je suis le premier à traîner sur mon téléphone. En réalité, c’est une addiction qui se généralise à toute la famille si les parents n’y prêtent pas attention. C’est aussi pour ça que j’avais fait une chanson Écrans, rendez-nous nos parents, comme un pied de nez aux adultes. Je pense qu’il faut trouver un moyen de consommer les écrans ensemble ; un mardi soir par exemple, devant une série. Mais il faut rendre la pratique collective.
Avez-vous d’autres projets éditoriaux à venir ?
Un nouvel album, Gaspard et la maison dentée, paraîtra en octobre pour Halloween et un autre, Gaspard et l’arche de Noël, pour Noël. On travaille aussi, avec Glénat, sur une bande dessinée.