Pierre Patrolin prend apparemment un malin plaisir à relever les défis littéraires les plus fous. L'an passé, il se faisait connaître avec un livre singulier de sept cents pages, La traversée de la France à la nage (P.O.L), dont le narrateur se trouvait la plupart du temps dans l'eau.
Patrolin étonne aujourd'hui encore avec un volume plus mince. On y suit les tribulations d'un personnage venant d'emménager à Paris, dans le quartier des Halles, dans un nouvel appartement. Celui-ci entreprend de faire du feu dans l'étroite cheminée du salon située face aux fenêtres. D'abord sans bois, avec un bout de papier et un couvercle de camembert. Il dispose d'un "petit briquet moulé dans du plastique translucide, à la molette dure", oublié par les déménageurs, et va bientôt acheter des allumettes.
Le voici qui déballe les cartons, range le linge, remplit l'armoire à pharmacie, file au Bazar de l'Hôtel de Ville. Les cartons vides, il les découpe en lanières, en minces tronçons faciles à enflammer. Afin de maintenir la flamme - ou de la faire repartir - et de ranimer les braises, il cherche à se procurer du petit bois. Conserve les cagettes de fraises, les coques des noix et des pistaches, les journaux. A la station-service, il achète du bois d'allumage. Dans un chantier, il récupère une planche. Par terre, des brindilles, des "écorces fendues", des "branches au rayon court", des "bûchettesà brûler". Les baguettes fournies avec le riz chinois ou japonais sont bien utiles, les prospectus publicitaires aussi.
Le héros de Patrolin observe la vie, les hommes et les femmes qu'il croise. Dans un Paris sous la pluie, où la Seine grimpe comme jamais entre ses rives... Volontairement répétitif, La montée des cendres constitue une prouesse narrative, qui laissera sans doute froids certains lecteurs mais qui emportera les autres, prêts à s'embraser face à un envoûtant projet.