« J'ai connu l'amour parfait. » Antoine conjugue cet amour au passé mais le souvenir de Patricia ne l'a jamais vraiment quitté, depuis leur rencontre à Brighton à l'été 1981. Il avait 14 ans, elle, 18 et déjà tant à raconter : « Je te dirai ce qu'il ne faut pas savoir du monde qu'on a autour de nous », lui écrivait-elle pour le préserver d'un mal-être que seule une fuite éperdue en avant lui permettait de dissiper. « Elle débarquait, me téléphonait, me donnait rendez-vous, et j'y allais. Après je n'avais plus de nouvelles pendant des mois. Elle ne me répondait plus au téléphone, ni même à mes lettres, sa mère bafouillait quand j'insistais, mais rien, plus rien. Patricia apparaissait et disparaissait. » Pendant quatre ans, Antoine vit au rythme de ces rendez-vous de dernière minute, jusqu'au rendez-vous manqué annonçant le départ de Patricia vers un horizon inconnu. L'absence se peuple alors de souvenirs, de paroles et de moments recréés oscillant entre rêve et réalité, comme celui d'une « première nuit d'amour avec une jeune fille qu'[il] n'avai[t] pas touchée » mais aimait « à la folie ».
Trente ans se sont écoulés lorsqu'Antoine retrouve son amour de jeunesse. Patricia vit à aux États-Unis et se fait appeler Patty. À Albany, où elle tient un bar avec sa fille Hélène, tout le monde la connaît comme « la Française de State Street ». Aux yeux d'Antoine, elle est restée la femme libre et indépendante dont les années n'ont su l'éloigner. « Il faut bien que tu comprennes comment pendant trente ans j'ai pu t'aimer de cette manière Patricia, comment dans le State Bar mon amour immense trouve sa forme, sa réalité, enfin. Tu n'as jamais été une absente, en fait je ne t'ai pas attendue, on attend celle qui n'est pas là, mais toi tu as toujours été en moi. »
Si l'heure semble venue de vivre cet amour, Antoine doit composer avec le poids des années, avec son propre vécu et celui de Patricia. L'image forgée en son absence correspond-elle à la vérité de cette femme à la trajectoire heurtée, qui semble encore préférer la fuite à la stabilité ? Avec cette histoire d'amour au long cours, Anne Révah déchiffre nos mythologies intimes, foncièrement subjectives, et la part d'invention inhérente à tout souvenir. À travers le regard de son narrateur se dessine l'évanescent portrait d'une femme dont le lecteur devine les fêlures, des fêlures qu'Antoine devra apprivoiser pour comprendre cette « reine » aux mille visages donnant son titre à ce roman empreint de délicatesse.
À ma reine
Mercure de France
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 16,80 € ; 192 p.
ISBN: 9782715259089