Lors de la présentation de ses vœux au monde de l’éducation, le chef de l'Etat a insisté sur trois objectifs : la défense de la laïcité, l'affirmation de l'autorité, ainsi que celle des valeurs de la République à l'école. Il a notamment proposé que dans chaque académie des volontaires, journalistes, avocats, acteurs culturels, interviennent en soutien dans les établissements scolaires.
La ministre de l’éducation nationale a détaillé les mesures envisagées, et notamment l’une d’entre elles, «l’éducation aux médias et à l'information prenant pleinement en compte les enjeux du numérique». Il est «demandé au Conseil supérieur des programmes de renforcer les contenus de l’enseignement laïque du fait religieux et de l’éducation aux médias et à l’information dans les programmes de l’école élémentaire et du collège.»
L'éducation aux médias a déjà été introduite dans les programmes. Nombre d’enseignants utilisent des articles de journaux en supports de cours. Mais le décryptage d’une information, son traitement différencié selon les supports, les questions de déontologie sous-jacentes sont rarement étudiées. Expliquer la diversité des écritures et des modes de traitement de l’information selon qu’il s’agit d’un article ou d’un blog, d’une émission de radio ou de télévision, apprendre à regarder une image, ce sont des objectifs que des enseignants se donnent individuellement et non des enseignements systématiquement proposés. Pourtant, tout cela est d’autant plus important qu’Internet permet un accès à toutes sortes d’informations … et aussi de déformations des événements passés et présents.
Mais il n’est pas d’enseignement de qualité sans une formation des enseignants adaptée aux objectifs pédagogiques, et sans la mise à disposition de ces enseignants de ressources documentaires de qualité. Dans le projet gouvernemental, sont évoquées des ressources sur la pédagogie de la laïcité et pour l’enseignement laïque du fait religieux, des ressources pour les formateurs, et de nouveaux contenus pédagogiques vidéos produits avec le réseau Canopé: films courts présentant les combats historiques pour la laïcité, proposant des incarnations dans des figures du passé et actuelles, etc. De même les enseignants disposeront d’un portail de ressources pédagogiques dédié à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. Afin d’enseigner la lecture et le décryptage de l’information et de l’image, un média – radio, journal, blog ou plateforme collaborative en ligne – sera développé dans chaque collège et dans chaque lycée.
Tout cela est justifié, mais je voudrais insister sur un point, à travers l’expérience éducative que j’ai pu accumuler dans les différents lieux où j’ai enseigné. On ne fera rien sans des ressources finement élaborées : il faut créer des outils ad hoc, alliant des notions sur l’histoire des médias, sur leurs complémentarités et leurs concurrences, sur leur économie : expliquer que pour un média, quand les revenus viennent à manquer, l’heure est aux raccourcis et au risque de baisse de qualité. Il faut transmettre des éléments de sociologie des médias : qui regarde quoi ? Comment évolue la réception du message suivant les contextes socio-culturels ? Il faut enfin choisir des événements, passés ou récents, et en montrer toute la diversité des traitements, de la réception de par le monde et au fil du temps. Ces ressources ne s’improvisent pas, elles doivent faire appel à des livres, des articles, des vidéos, etc. C’est un travail considérable, un chantier permanent, nécessitant des moyens, des compétences, et un dialogue entre les enseignants, les administrations en charge des programmes, les éditeurs scolaires, et tous ceux qui fabriquent la matière première de l’enseignement.