21 août > Roman France

Arnold Schönberg est à la musique ce que Marcel Duchamp est à la peinture - des hérauts de la modernité. Marcel introduit le serpent de l’ironie dans le poulailler des beaux-arts et fait exploser en vol l’idée de Beau. Arnold, lui, c’est celle d’harmonie qu’il jette par la fenêtre en s’émancipant de deux siècles de composition musicale fondée sur la tonalité. Mais si l’inventeur du dodécaphonisme (système atonal de douze notes comparables aux douze notes de la gamme chromatique) est aujourd’hui célébré comme le père de la musique contemporaine, sa vie a ressemblé à une véritable traversée du désert. Un long exode vers la reconnaissance tardive marqué par les crises et les catastrophes du Vieux Continent : effondrement de l’Empire austro-hongrois, Première Guerre mondiale, montée du nazisme, Shoah…

Né en 1874 à Vienne, Schönberg est typique des juifs assimilés de l’Autriche-Hongrie, sujets des Habsbourg, plus austro-allemands que les Austro-Allemands, convertis au christianisme. Autodidacte en musique, il ne reçoit que des cours de contrepoint, il ambitionne néanmoins de révolutionner la musique dans la capitale de la valse et des airs compassés. Premiers concerts, premiers sifflets ou plutôt indifférence des portes qui claquent et reclaquent. C’est l’incompréhension du public, doublée de l’acidité des critiques : soit charabia bruitiste soit abstraction trop mathématique, on n’y entend goutte !

De La nuit transfigurée pour sextuor à cordes à son opéra Moïse et Aaron en passant par Pierrot lunaire… Vincent Jolit retrace le parcours de Schönberg, le restituant dans la chair de son contexte et l’épaisseur psychologique de ce paradoxal "avant-gardiste conservateur" : son épouse volage, Mathilde, qui prend pour amant le peintre Richard Gerstl ; les deux disciples et dévoués souffre-douleur Alban Berg et Anton Webern ; sa reconversion au judaïsme… Après un premier livre fort réussi sur la dactylo du docteur Destouches et première lectrice de Voyage au bout de la nuit, Vincent Jolit continue à charmer grâce à son espièglerie érudite. Un roman qui a décidément un ton ! S. J. R.

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