22 AOÛT - ROMAN France

Christophe Donner- Photo JÉRÔME BONNET/GRASSET

Vous êtes contre les jeux de hasard, n'avez jamais mis les pieds sur un hippodrome ni parié aux courses, et les chevaux ne vous intéressent guère ? Peu importe. Christophe Donner a suffisamment d'enthousiasme, de talent et de matière pour entraîner à Chantilly, le plus ancien et prestigieux champ de courses parisien, le général des Mormons en personne. Ce n'est pas pour rien que le romancier a commencé sa carrière de journaliste comme chroniqueur hippique à France-Soir - lointain héritier de L'intransigeant de Rochefort, adversaire résolu des courses, jusqu'à un certain point. Donner a ensuite transporté sa passion équine au Monde, où il écrit toujours.

Par la grâce d'un grand-père turfiste malchanceux, qui finit par toucher le prix Bride abattue du 9 décembre 1973, remportant 13 468,20 francs d'alors. Celui-là même qu'un certain Monsieur X., escroc spécialisé dans le turf, qui eut son heure de gloire dans les années 1970 et les colonnes du Meilleur d'Alain Ayache, fut ensuite accusé d'avoir truqué. En France, depuis le milieu du XIXe siècle, l'époque du Jockey Club, de Lord Seymour, du prince de Sagan, son rival, de la dynastie des Oller, les courses et la presse ont toujours eu partie liée.

Donner, victime de la mauvaise influence familiale, fut un temps un joueur professionnel, et il a, si on l'en croit, gagné gros, flambé, avant de tout arrêter et de filer vers Mexico, jusqu'à l'an 2000. Il est aussi devenu écrivain.

Puisant dans sa formidable érudition, le voici qui nous conte, à grandes guides, toute la saga des courses françaises, depuis le XVIIIe siècle jusqu'à l'actuelle FDJ, ou peu s'en faut. En passant par le pari mutuel, idée de génie de Joseph Oller destinée à lutter contre la mafia toute-puissante des bookmakers façon anglaise, et à s'en mettre plein les poches. Il eut bien du mal à l'imposer, et le PMU moderne, providence des bistrots, a dû attendre 1930 pour s'épanouir. Et n'a été étatisé que sous Michel Rocard.

Peu importe, donc, que le sujet d'A quoi jouent les hommes paraisse en décalage à la fois avec l'air du temps et avec le socle du lectorat romanesque, majoritairement féminin. Il est vrai qu'il n'y a quasiment pas de femmes dans cette histoire, mis à part La Goulue, "rachetée" par Oller et employée dans ses établissements, le Moulin-Rouge puis l'Olympia, inauguré en 1893. Oller n'aimait pas que les canassons, il avait du goût et un vrai sens de la fête. A l'ère des paris en ligne, tout cela peut paraître désuet, mythique et incroyable. A quoi jouent les hommes, porté par un style enlevé, se dévore. Christophe Donner a su insuffler de l'épique dans l'hippique.

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