Cette année, le Prix Lumière est remis aux frères Dardenne, et Viggo Mortensen, Thomas Vinterberg, Alice Rohrwacher, Gabriel Yared, Albert Dupontel et Sabine Azéma en étaient les invités d'honneur. Au milieu de cette foisonnante programmation riche en films de patrimoine et en avant-premières, on retrouve des adaptations comme Nomadland de Chloé Zhao (récent Lion d'or à Venise), Les années difficiles de Luigi Zampa, Eve de John L. Mankiewicz ou Le Guépard de Luchino Visconti.
Le livre et le cinéma sont liés en permanence. Mercredi, Thierry Frémaux a d'ailleurs rappelé l'importance qu'a eu la loi sur le prix unique du livre dans la politique culturelle française. Et lors des avant-séances, les livres co-édités par l'Institut Lumière et Actes Sud sont promus sur grand écran, tel Les lumières de Lhomme de Luc Béraud, biographie sur l'immense chef opérateur du cinéma français (sortie le 23 septembre). En début de festival, le scénariste et cinéaste américain Oliver Stone est venu en guest-star dédicacer sa récente autobiographie, A la recherche de la lumière (L'Observatoire, 7 octobre).
Mais l'événement de cette 12e édition est la célébration du centenaire de Michel Audiard, scénariste, adaptateur et réalisateur, père du cinéaste Jacques Audiard, grand-père de l'écrivain Marcel Audiard. Le livre Michel Audiard / George Simenon, qui sort fin octobre, était disponible en avant-première dans la librairie permanente de l'Institut Lumière et dans la librairie éphémère du festival. Ce pavé de 932 pages est un monument pour les fans de l'écrivain comme du scénariste, mais aussi pour les étudiants et les chercheurs. Audiard a adapté six fois l'écrivain belge pour le cinéma. Cet ouvrage donne à lire les scénarios de trois de ces adaptations: Le Sang à la tête (1956) de Gilles Grangier, Maigret tend un piège (1958) de Jean Delannoy et Le Président d’Henri Verneuil (1961), tous trois avec Jean Gabin.
Sous la direction de Benoît Denis, directeur du Centre d'études Georges Simenon de l'Université de Liège, on découvre ainsi le travail d'adaptation et de dialoguiste d'Audiard à partir du texte de Simenon, et l'appareil critique qui accompagne les versions permet de comprendre comment le projet a aboutit du livre à l'écran. Marcel Audiard, auteur de Le cri du corps mourant et Le cri du mort courant (Cherche-Midi) trouve cette admiration de son grand-père pour George Simenon évidente. L'écrivain belge était un "productiviste délirant" capable d'écrire le Président "en quelques jours", comme Audiard pouvait écrire six films par an. "Il l’a beaucoup lu. Il y a une concision dans le style qui permet l’imagination, mais qui peut-être casse-gueule aussi. En cela les adaptations de Michel Audiard sont plutôt bonnes parce qu’il va savoir faire parler Maigret au cinéma. Il est redoutable quand il endosse le costume du personnage" explique-t-il à Livres Hebdo.
Ce "recueil", réalisé en quelques mois, ne sera pas le dernier. Marcel Audiard explique qu'il s'agit en fait d'une trilogie. Le premier devait être Simonin-Audiard, soit l'auteur de Grisbi or not Grisbi, et l'adaptateur: leur collaboration a donné un film culte, Les Tontons flingueurs, présenté en ouverture du Festival samedi dernier. Notons par ailleurs que le livre d'Albert Simonin sera compris dans Le grisbi : l'intégrale (incluant aussi Touchez pas au Grisbi ! et Le cave se rebiffe), que La Manufacture de livrCette publication devrait paraître dans les prochains mois.es publiera le 5 novembre. "On a fait de l'archéologie scénaristique" et "on a retrouvé à la Gaumont des suites dialoguées, des espèces d’arcs narratifs très écrits du film". Cette publication devrait paraître dans les prochains mois.
Enfin, "le troisième ouvrage sera composé de scénarios qu’on aime, Jacques Audiard et moi. Mais on va attendre que les deux premiers soient édités avant de lancer les travaux sur le dernier" précise Marcel Audiard.
On est assez loin des livres habituels sur Michel Audiard, entre recueils de maximes et compilations de répliques, calendriers et jeux de cartes. Cependant, en février prochain, Mare & Martin éditera un livre singulier, Les lois de Michel Audiard, où Fabrice Defferrard étudie la pensée juridique et politique dans l'oeuvre d'Audiard, notamment dans ses dialogues.