En septembre dernier, des représentants du Comité permanent des écrivains (CPE) qui rassemble 17 associations ou syndicats d’auteurs ont retrouvé ceux du Syndicat national de l’édition (SNE) pour un nouveau cycle de discussions sur la mise en œuvre du nouveau contrat d’édition. Les auteurs avaient reçu le renfort des députés, sous la forme d’un amendement compliqué ajouté au projet de loi sur la liberté de création. Cet article prévoyait que le gouvernement rende un rapport sur les conséquences à tirer de ladite concertation. Les sujets étaient précisément listés, jusque dans l’obligation de la transmission d’un compte d’exploitation des livres, qui a crispé les éditeurs. Les sénateurs ont sèchement supprimé le tout. Son rétablissement, ou pas, lorsque ce projet de loi reviendra en seconde lecture chez les députés sera le signe du climat régnant dans la grande salle de réunion du SNE, au 115 du boulevard Saint-Germain.
Accord en vue
Après une demi-douzaine de rencontres, un consensus paraît établi. "Il est important qu’il y ait une instance permanente de discussion entre auteurs et éditeurs. Ce nouveau contrat d’édition est un organisme vivant, qui doit évoluer, et on y arrive assez bien par le dialogue. Nous avons un agenda, sur lequel tout le monde est d’accord", déclare Marie Sellier, présidente de la Société des gens de lettres (SGDL), une des principales composantes du CPE. "Nous avons décidé d’instituer une relation plus permanente entre auteurs et éditeurs", approuve Vincent Montagne, président du SNE.
Un accord devrait être prochainement finalisé sur les compensations inter-titres des à-valoir, et sur les provisions pour retour. Les auteurs veulent supprimer l’imputation d’un à-valoir non couvert par les ventes d’un premier titre sur celles des suivants. "La compensation inter-titres ne peut pas avoir lieu lorsque les droits sont issus de contrats d’édition différents, sauf à ce qu’un acte spécifique soit conclu en ce sens entre l’auteur et l’éditeur", rappelle Vincent Montagne. D’après l’enquête du ministère de la Culture, 8 à 10 % des auteurs professionnels déclarent se voir appliquer cette compensation. Un consensus pourrait s’établir autour d’une formulation strictement limitée de son usage.
"La clarification de la provision pour retour est plus difficile, car son application peut varier en fonction des secteurs, mais il n’est pas justifié qu’elle soit maintenue sur toute la durée d’exploitation d’un titre, alors qu’elle peut atteindre 20 % des droits", estime Marie Sellier. "Cette provision doit être conforme à la durée de vie d’un ouvrage, adaptée aux risques que prend l’éditeur, et aux secteurs éditoriaux : entre le pratique et la littérature, le rythme des ventes et les habitudes des différents réseaux varient beaucoup. Lors d’un lancement ou d’une remise en marché, il ne serait pas tenable de verser une rémunération sur des ventes qui ne seront pas faites, mais il serait indu de prolonger cette provision sans fin", ajoute Vincent Montagne.
L’établissement d’un modèle type de reddition des comptes clair et homogène prendra plus de temps, en raison de la multiplication des sources de droits, et de la complexité qu’elle entraîne. Tout est précisément détaillé dans la loi. "Il s’agit d’y adapter les outils techniques nécessaires, et de voir quelles sont les bonnes pratiques de la profession, pour les généraliser", explique Vincent Montagne. Les auteurs sont plus inquiets du problème du non-paiement des droits, souligne Marie Sellier, comme l’illustre l’exemple récent du Baron perché. L’éditeur a bien envoyé des redditions de compte, se mettant à l’abri d’une rupture d’office des contrats, mais il n’a rien versé. La seule solution dans ce cas est d’engager une procédure judiciaire, mais c’est toujours lourd et complexe. A plus long terme, auteurs et éditeurs prévoient enfin de travailler à l’amélioration des outils de suivi des ventes en temps réel, "un intérêt commun à toute la chaîne du livre", insiste Vincent Montagne.