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Auteurs/lecteurs : incroyables rencontres

A gauche, l’auteure : Sophie Jomain a publié la série Les étoiles de Noss Head. A droite, en photo, le lecteur qui s’est fait tatouer dans le dos le titre et la couverture du roman... - Photo Olivier Dion

Auteurs/lecteurs : incroyables rencontres

De la session de dédicaces dans un salon au débat intimiste en librairie, les rencontres entre auteurs et lecteurs se sont multipliées à la faveur du développement des manifestations littéraires, s’imposant comme une étape clé de la promotion d’un livre. Très prenantes pour les écrivains, elles donnent aussi lieu à des échanges hors du commun. Vingt-six auteurs ont raconté à Livres Hebdo une expérience qui les a bouleversés.

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Par Claude Combet, Marine Durand, Pauline Leduc, Anne-Laure Walter
Créé le 11.03.2016 à 01h00 ,
Mis à jour le 11.03.2016 à 10h36

"Je fais entre 30 et 50 signatures par an les années où je sors un livre. Et comme j’ai publié une nouveauté chaque année depuis six ans… Cela fait beaucoup !" De l’aveu de Jean-Christophe Rufin, qui affirme "adorer l’exercice", la promotion d’un ouvrage s’apparente souvent à un marathon pendant les mois qui suivent sa parution. Philippe Claudel, de retour en librairie en janvier avec L’arbre du pays Toraja (Stock), cumulera à la fin de sa tournée une soixantaine de lectures-débats. Sorj Chalandon, qui avait approché les 200 rencontres pour Le quatrième mur (Grasset, Goncourt des Lycéens 2013), n’achèvera qu’en juin prochain la promotion de Profession du père, paru en août dernier. Partir sur les routes à la rencontre de ceux qui achètent leurs livres est un exercice plébiscité depuis longtemps par les auteurs, d’autant que cela leur permet de rendre aux libraires un peu du soutien qu’ils leur apportent toute l’année. Mais la multiplication des foires, salons et festivals dédiés au livre a amplifié la durée des tournées de promotion, et réclame un gros investissement aux principaux concernés. "Les auteurs sont de plus en plus demandeurs, et demandés", constate Marie Lagouanelle. Attachée de presse et responsable libraire au Seuil depuis trente-cinq ans, elle coordonne les déplacements de tous les écrivains de la maison en favorisant les cafés littéraires ou les questions-réponses, qui permettent un échange plus approfondi. "Mais ce n’est pas non plus un passage obligé, nuance-t-elle. Se rendre à une signature ou à une lecture avec un auteur qui n’aime pas ça, qui craint la foule ou déteste prendre la parole en public s’avérerait totalement contre-productif."

De l’énergie pour continuer à écrire

Le profil du romancier allergique aux rencontres est plutôt rare - ou du moins difficile à assumer. Les écrivains apprécient les échanges avec leur public pour "découvrir à quoi ressemblent ceux qui vont passer sept heures à tourner les pages de votre livre", selon Bernard Werber, ou pour "mettre un peu de chair autour de chiffres de ventes abstraits", comme le dit joliment Philippe Claudel. Mais le quotidien d’un auteur en promo peut parfois réserver des surprises. Anne Plantagenet, qui a publié Appelez-moi Lorca Horowitz (Stock) en janvier, se souviendra longtemps d’une rencontre à Blida, en Algérie, dans le cadre du Festival de littérature et du livre de jeunesse d’Alger. "On m’a emmenée un vendredi après-midi, jour de repos et de prière, et sous une chaleur affolante, dans un centre culturel pimpant neuf. Quand l’heure de ma conférence est arrivée, j’ai vu que l’on poussait obligeamment les mères voilées dans la salle pour remplir un peu. Pas une d’entre elles ne parlait le français, mais on m’a applaudie à tout rompre et je suis repartie, après une séance photos, les bras chargés de fleurs." Quand ce ne sont pas les conditions de leur organisation, c’est l’enchaînement des rencontres qui peut se révéler harassant. Parce qu’ils sont payés au tarif de la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse, certains auteurs pour enfants se retrouvent parfois confrontés à un souci de "rentabilité" de la part de certaines écoles, qui leur font rencontrer des classes à la chaîne (jusqu’à onze dans la même journée, selon une auteure très demandée) sans avoir spécifiquement travaillé en amont la rencontre avec les élèves.

Mais si elles réclament du temps et de l’attention, les rencontres avec le public restent, de l’avis de la trentaine d’auteurs que nous avons interrogés, d’heureuses parenthèses dans un quotidien plutôt solitaire pour échanger, discuter, réfléchir à son œuvre. Timothée de Fombelle ne se lasse pas de ces "tête-à-tête toujours bouleversants, toujours inspirants" avec ses lecteurs, lui qui croyait "envoyer des bouteilles à la mer" en écrivant. Sylvie Germain, elle, va puiser dans ces rencontres l’énergie nécessaire pour continuer à écrire. "Je me souviens d’une lectrice avec un sourire éclatant qui était venue me voir en signature", raconte l’auteure d’A la table des hommes (Albin Michel, 2016). "J’ai très vite deviné derrière cette apparence un énorme chagrin. Elle m’a parlé de son fils, mort en montagne à l’âge de 20 ans, et voulait me remercier pour mon livre qui lui avait fait du bien alors qu’il ne traitait absolument pas de ce sujet.Dans mon esprit, elle est devenue emblématique de tous ces lecteurs qui me font part des échos que mes textes provoquent chez eux. Leur simple merci est un énorme don et cela console, donne un regain de sens à l’écriture quand un livre n’a pas forcément l’écho qu’on attendait." M. D.

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