Christophe Beney, qui signe un essai La démocratie est un art martial, part du constat que, des émeutes de Ferguson à l’opération Tempête du désert, et des pannes de courant géantes aux affiches de recrutement pour l’Armée de terre, la frontière entre paix et guerre, entre monde civilisé et "wilderness", est savamment atténuée par son traitement médiatique, publicitaire et cinématographique.
Dans la lignée de Propagandes silencieuses d’Ignacio Ramonet (Galilée, 2000), qui cherchait dans le cinéma hollywoodien l’expression des enjeux civils de la guerre froide, l’ouvrage de Beney tire la majeure partie de ses analyses du cinéma d’action ou d’épouvante des vingt dernières années - en somme, depuis la première guerre du Golfe. Spectateur de Wes Craven, de David Cronenberg ou des Simpson, mais aussi de M. Night Shyamalan, Christophe Beney est aussi lecteur de Baudrillard et de Mike Davis. Son interprétation des films est donc une mise en relation du fait social et de son expression symbolique, et politique : le loup-garou et le vampire ne sont-ils pas des figures possibles du vétéran souffrant du stress post-traumatique ? L’exposition à une information continue sur la guerre lointaine ne contribue-t-elle pas à abolir dans l’imaginaire la distance entre le front et le monde civil, comme le montre le massacre de Columbine mis en scène par Gus Van Sant ? Et, finalement, l’état d’alerte, où l’ennemi peut être soi-même, n’est-il pas une façon d’abolir la nuance entre citoyen et combattant ?
La démonstration est parfois touffue, mais ne laissera aucun cinéphile, ni aucun Occidental indifférent. Fanny Taillandier