Finnegan Oldfield dans "Marvin ou la belle éducation" d'Anne Fontaine - Photo Carole Bethuel
Avec Marvin, Anne Fontaine filme son Eddy Bellegueule
Si Edouard Louis affirme qu'il n'a "rien à voir" avec le film, la réalisatrice Anne Fontaine livre avec Marvin ou la belle éducation, en salle mercredi 22 novembre, sa version du best-seller En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil), dont l'auteur lui a cédé les droits.
Marvin ou la belle éducation d'Anne Fontaine, qui sort en salle mercredi 22 novembre, s'inspire directement du livre choc d'Edouard Louis "En finir avec Eddy Bellegueule (Seuil), sans l'adapter stricto sensu, l'écrivain s'étant détaché d'une histoire qui s'éloignait de son récit en 2014. "Je n'ai rien à voir avec le film d'Anne Fontaine, "Marvin". Ni mon nom ni le titre de mon livre n'apparaissent au générique", explique l'auteur du best-seller social publié en 2014 et écoulé depuis à près de 300000 exemplaires (GFK), dans un tweet daté du 13 septembre.
"Il est venu vers moi pour me proposer le projet", nous indique de son côté Anne Fontaine, lors d'une projection privée de Marvin, mercredi 15 novembre. "Il n'a jamais été question d'adaptation littérale, j'estimais qu'il fallait transgresser et continuer le roman. Ce qui m'intéresse c'est l'invention de soi, qui vient après les faits du livre".
Pour info : je n'ai rien à voir avec le film d'Anne Fontaine, "Marvin". Ni mon nom ni le titre de mon livre n'apparaissent au générique.
"Edouard Louis a cédé les droits du livre et m'a laissé faire", raconte-t-elle aussi à l'AFP. "Il m'a dit faites en ce que vous voulez". "Puis le scénario a été construit avec Pierre Trividic et on a pris beaucoup de liberté, on a inventé son parcours, sa quête initiatrice, les personnages qu'il rencontre et qui vont l'aider à s'émanciper".
Une ode à la différence
Pourtant, les signes de parentés sont évidents entre le livre et le film d'Anne Fontaine. Marvin Bijou remplace Eddy Bellegueule, les Vosges remplacent la Picardie. L'enfant délicat égaré dans un monde où la virilité est érigée en culte, le petit garçon tétanisé par la violence homophobe de ses camarades de classes, en butte à l'incompréhension et au mépris dans sa famille, est bien le petit cousin de cinéma d'Eddy Bellegueule.
Le film navigue sans cesse entre le Marvin enfant, vosgien, incarné par le jeune Jules Porier (dont Anne Fontaine explique avoir "eu un coup de foudre"), et le Marvin jeune adulte, parisien, comédien, qu'incarne Finnegan Oldfield (Nocturama, Les Cowboys...). Isabelle Hupert, Charles Berling ou encore Vincent Macaigne complètent le casting.
S'alternent les scènes où il s'assume comme comédien et homosexuel avec celles de l'enfance dans la maison délabrée des Bijou, entre une mère inconsciente des brimades subies par son fils, un père alcoolique, et un frère violent. Marvin va s'extraire de son milieu social difficile grâce à des rencontres: avec la principale de son collège (Catherine Mouchet) ou avec un professeur du conservatoire qui deviendra un ami proche (Vincent Macaigne).
"J'ai voulu construire une ode à la différence", résume la réalisatrice.
La culture qui sauve
Anne Fontaine se défend en même temps d'avoir fait un film misérabiliste. "Je voulais faire un film tonique avec de l'énergie, de la vitalité, que le montage alterné provoque quelque chose qui va vers l'avant", dit-elle. Transposer à l'écran le récit d'Edouard Louis est un pari osé, tant les relations humaines y sont violentes.
La réalisatrice a volontairement écarté les scènes les plus crues et multiplié les "bonnes fées" autour de son personnage. Isabelle Huppert apparaît ainsi dans son propre rôle pour parrainer les débuts du jeune comédien.
"Il y a dans mon film quelque chose de l'ordre de la lumière. Je trouve que donner du courage aux gens, et penser qu'on peut inventer sa vie, faire une force de sa différence, c'est aujourd'hui extrêmement important, au moment où on a beaucoup de mal à sortir de sa classe sociale", souligne Anne Fontaine.
Jules Porier, qui incarne le jeune Marvin, Finnegan Oldfield, qui joue Marvin adulte, et Edouard Louis- Photo CAPTURES D'ÉCRAN, OLIVIER DION
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Surtout, la réalisatrice défend le fait que "l'art et la culture sont salvateurs: c'est la culture qui permet de ne pas être homophobe, de ne pas être raciste".
En finir avec Eddy Bellegueule, roman autobiographique et revendiqué comme tel, raconte l'enfance du jeune Edouard Louis, élevé dans une famille ouvrière dans un village picard. "Mon obsession, c'était d'écrire la vérité", expliquait l'auteur à Livres Hebdo dans un entretien en décembre 2015, à l'occasion de la parution de son deuxième roman Histoire de la violence. Il revenait alors sur En finir avec Eddy Bellegueule et déclarait que "dans ce livre (...), il n'y a pas une ligne de fiction. Je voulais donner la parole à ce monde d'où je viens, avec ce réflexe de la domination des dominés, et la violence qu'il engendre".
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