Un prix Nobel de la paix à la tête du pays. Ce 8 août 2024, l’économiste Muhammad Yunus a été nommé à la tête du gouvernement provisoire du Bangladesh. Composé de « conseillers » à l’instar de l’écrivain Asif Nazrul, il s’est constitué suite à la démission de la Première ministre Sheikh Hasina, dans le sillage du mouvement contestataire qui secoue le pays depuis le mois de juillet. Après une répression étatique violente (l’AFP recense au moins 450 personnes tuées), l’armée du Bangladesh dirigée par Waker-Uz-Zaman prône l’apaisement, et aspire à atteindre cet objectif par le biais du renouvellement du corps politique.
Aux rênes de cette transition, l’économiste et entrepreneur Muhammad Yunus, 84 ans. Surnommé le « banquier des pauvres », il a été distingué du prix Nobel de la Paix en 2006 après avoir lancé l’établissement bancaire Grameen Bank, qui démocratise l’usage du microcrédit dans les populations défavorisées. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’économie et d’une autobiographie, Vers un monde sans pauvreté (Lattès, 1997), qui sera son premier livre traduit en français, écoulé à plus de 10 000 exemplaires. Le dernier, Vers une économie à trois zéros plaide en faveur d'un changement civilisationnel en matière d'économie et d'environnement en s'appuyant sur différentes initiatives qui existent à travers le monde. Paru chez Lattès en 2017 (trad. Olivier Lebleu), il a été réédité en poche en 2019. Un « recueil de méditations illustrant sa pensée », Guérir la pauvreté : citations choisies, paraîtra également le 31 août aux éditions Rassemblement à son image.
À partir de 2011, l'économiste a fait l'objet de plusieurs attaques du gouvernement, allant de la plainte pour diffamation jusqu'à l'ouverture d'une enquête pour potentiel détournement de fonds. Il a été condamné à six mois de prison en janvier 2024 pour ne pas avoir engagé de manière permanente 67 employés de son entreprise, et omis de leur donner plusieurs avantages sociaux. Libéré sous caution, il a été relaxé en appel le 6 août.
En prêtant serment, Muhammad Yunus a affirmé qu’il « défendrait, soutiendrait et protégerait la Constitution, avec sincérité. » Dans son premier communiqué officiel, le gouvernement intérimaire a affirmé son soutien aux familles des manifestants tués, la volonté de mettre fin aux attaques envers les minorités religieuses et de fournir un dédommagement financier aux blessés. Il assurera ses fonctions jusqu’à la tenue d’élections « libres ».