Avant-critique Roman

Bénédicte Dupré la Tour, "Terres promises" (Les Éditions du Panseur)

Bénédicte Dupré la Tour - Photo © DR/Du Panseur

Bénédicte Dupré la Tour, "Terres promises" (Les Éditions du Panseur)

Rentrée littéraire

Pour son premier roman, Bénédicte Dupré la Tour compose un livre choral ambitieux et prometteur autour de personnages emportés par la conquête de l'Ouest américain.

Parution 22 août

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Par Marie Fouquet
Créé le 09.08.2024 à 09h00

L'histoire par ricochets. À travers huit personnages impliqués, d'une manière ou d'une autre, dans la conquête de l'Ouest et la Ruée vers l'or au XIXsiècle, Bénédicte Dupré la Tour développe, dans son premier roman, une intrigue qui semble n'avoir ni âge ni localisation précise. Une histoire archétypale, qui s'inscrit plutôt dans la lignée du roman de l'imaginaire que du récit historique, et qui pourtant illustre majestueusement la violence, l'exil, les tourments et les filiations qui ont émaillé l'histoire coloniale du Nouveau Monde. « La vie de ce côté du monde pouvait être douce et pleine de bienfaits ; les yeux du cœur se tournaient lentement en arrière, vers les terres originelles. » Bien vite, on comprend que les histoires de clan n'ont pas lieu d'être quand le naturel même des hommes est de se fondre en l'autre, pour posséder ou pour aimer.

« C'était jour de paie pour les vachers des plaines. C'était jour de peine pour les filles de joie. » La fresque commence avec Eleanor Dwight, une prostituée irrésistiblement belle et enivrante. Son premier « propriétaire », l'orpailleur Glenn Foster, en bien mauvaise position dans un jeu de cartes, la mise et la perd en tentant de récupérer chevaux, armes, paquetage et or dont il venait d'être dépossédé en quelques coups malheureux. Le tragique destin d'Eleanor se poursuit en même temps que croît sa force de résistance. Ailleurs, Kinta, qui vit au sein d'une tribu amérindienne, se trouve piégée dans le jeu belliqueux de dominations viriles. Si la mort de son mari la libère de sa servile condition, le destin de sa progéniture et sa rencontre avec un homme-bête, ennemi de son clan, lui révèlent l'absurdité de la guerre. « Aux extrémités, il n'y a que la mort, où tout finit par se rejoindre. »

Que ce soit du côté des colons ou des colonisés, des dominés ou des dominants supposés, Terres promises est une succession de points de vue enchâssés dans l'histoire coloniale. Bénédicte Dupré la Tour (coautrice avec sa sœur Florence de la bande dessinée Borgnol), déploie dans ce roman spirale une langue sublime et dense, avec un sens de la formule mélodique et passionnée. Chaque chapitre (chaque personnage) entraîne un nouveau mouvement qui propulse la lecture dans une strate plus profonde encore de l'histoire en train de se dérouler. « C'est l'imaginaire tout entier qui est colonisé », prévient l'autrice en exergue. C'est aussi la structure qui bouleverse dans ce roman. Les sept récits construits autour des protagonistes forment un ensemble entrecoupé de lettres écrites à différents destinataires par un huitième personnage. Condamné à la pendaison, celui-ci, un déserteur, adresse ses derniers mots à des proches, et explicite les relations entre les destins croisés au fil des pages. « Dans ces rêves sans frontières, personne ne pourra jamais nous poursuivre. Nous y sommes les seuls maîtres de nous-mêmes. »

Bénédicte Dupré La Tour
Terres promises
Les éditions du Panseur
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 22 € ; 320 p.
ISBN: 9782490834211

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