Biblio-fr est né dans le monde d'Internet. Il a rencontré les bibliothèques qui découvraient ce monde. Il a apporté à celles-ci une dimension relationnelle et horizontale. Les bibliothécaires n'étaient plus isolés ou limités à des cercles étroits, ils appartenaient à une communauté d'échange de savoirs, d'interrogations dans laquelle la voix était ouverte à tous (professionnels chevronnés, aspirants à ce monde professionnel, observateurs, etc.). Les hiérarchies de types d'établissement, de grades étaient comme suspendues pour former un monde d'égaux. Relationnel et démocratique, le monde de biblio-fr était une promesse d'un autre monde possible. C'est sans doute la disparition de ce rêve qui pèsera le plus dans les regrets des abonnés à la liste. C'était aussi un formidable lieu de construction de l'identité professionnelle : les bibliothécaires avaient en commun ces livraisons de messages qui les rassemblaient (ce qui n'excluait pas les agacements et les marques de distance) par-delà leurs différences. On peut s'interroger sur les supports de l'identité professionnelle des bibliothécaires (au sens large) et sur un risque de repli catégoriel (lecture publique, BU, discothécaires, fonds patrimoniaux, etc.).   Le succès de cette liste de diffusion a provoqué sa perte. De plus en plus d'individus se sont appropriés l'outil en vue d'une reconnaissance personnelle ou de « leur » établissement. Les débats, questionnements professionnels ont progressivement laissé la place à de la communication. Les bibliothèques ont fait connaître leur activité ou plus exactement celle qu'elles voulaient mettre en avant, à travers Biblio-fr. Chacune montrait aux autres la qualité de son programme d'animation par exemple. Il s'agissait de faire reconnaître, au moins par la communauté professionnelle, la « qualité » de son travail qui pourtant s'adressait aux citoyens de la commune organisatrice... lesquels étaient peu abonnés à la liste. De façon encore plus prosaïque, Biblio-fr était devenu un «  service qui doit marcher, à l'image d'une institution  » (selon les mots de S. Aubry et H. Le Crosnier) pour diffuser des offres d'emplois des marchés publics, etc. La logique institutionnelle est devenue prépondérante et était en train de phagocyter Biblio-fr et l'esprit qui lui avaient donné naissance. Cette évolution progressive et puissante n'aura pas atteint son terme, les responsables de Biblio-fr préférant renoncer à « l'aventure » plutôt que de la voir dénaturée : «  Nous ne sommes ni ne serons une institution  ». Ce choix est courageux et montre la difficulté à marier Internet et l'institution. Il présente le mérite de mettre en lumière la différence entre ces logiques.   Avec la fermeture de Biblio-fr, il faut souhaiter que la logique relationnelle et horizontale perdure dans les bibliothèques. En tous les cas, on perd un point d'observation des évolutions, des manies, des inquiétudes, des discours, etc des bibliothécaires. Remercions S. Aubry et H. Le Crosnier pour leur contribution à la vie de la profession.
15.10 2013

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