Le 5 janvier prochain, la nouvelle promotion d’une vingtaine d’élèves conservateurs territoriaux de bibliothèques entamera pour la première fois sa formation non pas à l’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib) à Lyon, mais à l’Institut national des études territoriales (Inet), à Strasbourg. En mars dernier, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), chargé de la formation des agents territoriaux, jetait en effet un pavé dans la mare en annonçant qu’il allait mettre un terme à sa convention avec l’Enssib, qui assurait jusqu’alors une formation commune aux élèves conservateurs territoriaux et aux élèves conservateurs de bibliothèques d’Etat. Motif invoqué : l’enseignement dispensé à l’Enssib était trop éloigné des réalités des collectivités locales et donc peu opérationnel. Cette décision avait ému la profession, divisée entre ceux qui reconnaissaient la nécessité de faire évoluer la formation et ceux qui déploraient la perte d’un creuset commun.
Plus opérationnelle
Depuis, la décision a été actée. Le principe sur lequel le CNFPT a construit la nouvelle maquette de formation, présentée début octobre aux journées d’étude de l’Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêt (ADBDP), est le rapprochement entre la formation des conservateurs et celle des autres cadres de la fonction publique territoriale, tout en préservant les spécificités propres à la lecture publique. Le CNFPT se montre particulièrement soucieux de ne pas prêter le flanc aux critiques en ce qui concerne les enseignements spécifiques au monde des bibliothèques, et met en avant les partenariats passés avec des établissements tels que la Bibliothèque nationale de France, la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg ou encore l’Ena. "On affirme la part de professionnalisation mais, sur le fond, le concept de la scolarité reste le même, assure Véronique Robitaillie, directrice de l’Inet. Nous dispenserons le même niveau de qualité pour ce qui est des enseignements techniques et scientifiques."
Concrètement, la nouvelle formation comportera plus de jours d’enseignement et de jours de stage, tout en restant sur dix-huit mois. Elle accorde une place renforcée aux aspects opérationnels tels que le management, les finances locales, les marchés publics. Le mémoire de fin d’études qui clôt la formation de l’Enssib, jugé trop universitaire, a été supprimé au profit d’un stage supplémentaire. Les trois parcours, numérique, patrimoine et services aux publics, parmi lesquels les élèves de l’Enssib choisissaient une option, deviendront tous obligatoires à l’Inet. "Le conservateur est souvent le seul spécialiste de la lecture publique dans sa collectivité, rappelle Véronique Robitaillie. On attend de lui un rôle de conseil, mais aussi, comme de tout autre directeur d’établissement, qu’il soit capable de s’inscrire dans la politique territoriale et de dialoguer avec ses collègues ingénieurs ou administrateurs."
Pas de diplôme
La directrice de l’Inet se veut par ailleurs rassurante face aux inquiétudes exprimées par une partie de la profession sur la perte d’une culture commune à tous les conservateurs de bibliothèques, d’Etat ou territoriaux. Beaucoup de bibliothécaires craignent aussi que la coexistence de deux formations distinctes freine la mobilité entre les deux administrations : "Les recruteurs s’intéressent à l’expérience et aux compétences, quel que soit le lieu où elles ont été acquises, assure Véronique Robitaillie. Il n’y aura pas de différence de culture professionnelle entre les formations des élèves des deux corps d’administration."
Il existe cependant une différence de taille : contrairement à la formation de l’Enssib, validée par un diplôme d’Etat, celle de l’Inet ne donnera lieu qu’à un certificat, l’établissement n’étant pas habilité à délivrer de diplôme. Cela fait partie des motifs pour lesquels l’Enssib reste très critique face à cette nouvelle organisation. "La décision de créer deux formations pour un corps professionnel aussi petit est une absurdité économique et va à contre-courant du rapprochement entre les deux fonctions publiques, unanimement préconisé, assène Anne-Marie Bertrand, directrice de l’Enssib. La suppression du mémoire est aussi un recul. Les sujets traités étaient toujours en prise avec la réalité du terrain." La directrice de l’Enssib déplore également que la collaboration entre les deux établissements se réduise à une semaine commune sur la coopération entre bibliothèques d’Etat et bibliothèques territoriales : "Sur dix-huit mois de formation, c’est faible !"
Bilan en juin 2016, à l’issue de la première session.