Avant-critique Beau livre

Bob Dylan, "Bob Dylan. Mixing Up the Medicine" (Seghers)

Bob Dylan au château de Kronborg près d'Elseneur au Danemark, en mai 1966. - Photo TEN - TT News Agency via AFP - Copyright (C) reserved - BJORN LARSSON ASK

Bob Dylan, "Bob Dylan. Mixing Up the Medicine" (Seghers)

Les volumineuses archives de Bob Dylan témoignent de l'extraordinaire épopée de ce monument de la musique et Prix Nobel de littérature.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 30.10.2023 à 09h00

Dylan, sa vie, son œuvre. Joli coup éditorial pour Seghers que de participer à cette sortie mondiale de Mixing Up the Medicine, orchestrée depuis New York par Callaway Arts & Entertainment. Un livre-somme, un monument, qui vient confirmer que l'enfant de Duluth puis Hibbing, Minnesota, monté à New York dès 1961 à 20 ans, n'a jamais rien fait comme tout le monde. Outre son Never Ending Tour, kyrielle de tournées et de concerts ininterrompue (sauf pendant le Covid) depuis 1988, n'oublions pas son œuvre littéraire (l'onirique Tarantula, par exemple, écrit en 1965-1966 et publié en 1971), laquelle lui a valu, en 2016, un très surprenant − et contesté − prix Nobel de littérature. Dylan a également fait quelques apparitions au cinéma (Pat Garrett et Billy le Kid, 1973), et s'adonne depuis longtemps au dessin et à la peinture, ainsi qu'en témoignent quelques pochettes de ses albums comme Self Portrait (1970) ou Planet Waves (1974). Pas moins de cinquante disques, depuis Bob Dylan (1962), jusqu'à la toute récente compilation Mixing Up the Medicine, sortie cette année, en cohérence avec le présent livre.

Naturellement, les ouvrages sur Dylan sont nombreux, biographies plus ou moins autorisées, essais, témoignages. Mais il fallait un monument à son image, exhaustif, hors norme, mêlant la vie et l'œuvre comme un torrent impétueux et continu depuis la fin des années 1950 et ses débuts dans The Golden Chords, jusqu'à nos jours.

Pour ce faire, l'artiste a vendu en 2016 ses archives, quelque 6 000 pièces, à la George Kaiser Family Foundation, de Tulsa, Oklahoma. Afin d'en présenter une partie, celle-ci a bâti un musée qui a ouvert en 2022, se visite et où ont lieu des concerts. Pas de Bob Dylan, apparemment, toujours on the road. Patti Smith, en revanche, la bonne copine, qui s'était rendue à Stockholm chercher son Nobel, le Maître étant ce jour-là en tournée (il s'est rattrapé après), s'y est produite. On a pu taxer Dylan de mépris, de mégalomanie. C'est plutôt parce que, pour lui, la musique, le folk, passe avant tout, qu'il lui a voué sa vie, toute sa vie. Comme ses inspirations, ses héros tragiques, Buddy Holly, dont il a vu un des derniers concerts à l'Armory de Duluth, en 1959, ou Woody Guthrie, qu'il a rencontré à New York en 1961. Un Woody Guthrie Center existe d'ailleurs à Tulsa, tout près, exploité par la même fondation.

Mixing Up the Medicine, le livre, rassemble trente contributeurs (dont le grand Greil Marcus), plus de 1 000 images, et suit Dylan quasiment au jour le jour. On y découvrira, par exemple, sa proximité avec les Beatles, à travers des lettres admiratives de Paul McCartney et plusieurs chapitres consacrés à son amitié avec George Harrison. Le 1er août 1971, au Madison Square Garden de New York, Dylan, peu friand des engagements humanitaires, a néanmoins participé aux deux concerts organisés par l'ancien Beatles, à la demande de Ravi Shankar, en soutien au peuple bangladais en lutte pour sa survie et son indépendance.

Tout cela se découvre et se lit comme une formidable épopée, scandée de chansons qui font partie de notre patrimoine commun. Comme leur créateur, forever young.

Bob Dylan
Bob Dylan. Mixing Up the Medicine
Seghers
Tirage: 8 000 ex.
Prix: 79 € ; 608 p.
ISBN: 9782232147098

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