Avant-critique Essai

Récurrence de la violence. « Toute vision du monde est un aveu autobiographique. » L'œuvre de Boris Cyrulnik trouve sa source dans son parcours d'enfant miraculé. Il a survécu au pire pendant la Shoah avant de trouver des outils pour se relever et aider autrui. Le célèbre neuropsychiatre n'en garde pas moins un regard lucide. « La violence caractérise le monde vivant. » L'auteur nous rappelle que « toutes les sociétés se sont construites dans la violence. Elle façonne la personnalité masculine sur le modèle noble de la virilité, par opposition au modèle de la femme faible. » Structurelle et culturelle, cette violence a une double origine. « Une enracinée dans la biologie, une carence affective qui altère le cerveau, l'autre dans la culture, qui réduit la conscience en imposant une seule vérité. » À travers ce livre, l'auteur en saisit les graines. « L'individu animal ou humain est sculpté par son environnement. Chaque espèce vit dans son Umwelt sensoriel, d'où il extrait ce qui compte pour sa survie. » Quand cet univers manque de sécurité affective, les failles se creusent... Le psychanalyste avant-gardiste John Bowlby − auquel le titre de cet ouvrage fait référence − a lui-même souffert de carences affectives enfantines, mais il en a fait une force pour comprendre celle des autres. « Le sentiment d'appartenance est nécessaire au développement de l'individu. » Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on compte beaucoup d'orphelins « souffrant de graves troubles du développement. » Face au trauma, il n'y a pas d'égalité. Certains arrivent à faire preuve de résilience, mais d'autres n'en possèdent pas les clés. Aussi sombrent-ils dans la désilience qui en fait des êtres vulnérables, sans cesse victimisés. Alors que les filles semblent retourner la violence contre elles, les garçons ont besoin de l'extérioriser. On note que « chez les hommes, la violence létale varie selon les organisations sociales. La violence d'État est la plus terrible, quand au nom d'une croyance sacrée, idéologique ou économique, elle n'hésite pas à tuer ». Une immense différence avec le règne animal. Comment dès lors désamorcer cette violence, si viscérale ? Cyrulnik est formel. « Un cerveau humain est sculpté par son enveloppe verbale. » Les mots, la narration intime ou collective, l'imaginaire et l'art peuvent redonner du sens à l'existence. « Sans amour, le cerveau s'atrophie. L'amour peut tout guérir. »

Chowra Makaremi
Femme ! Vie ! Liberté !
La Découverte
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 18 € ; 344 p.
ISBN: 9782348080449

Les dernières
actualités