Ni dieux ni monstres. Clin d’œil au célèbre slogan anarchiste, le titre du nouveau roman de Cadwell Turnbull a des allures de manifeste. Et pas que des allures, d’ailleurs. Entre ses pages brûle un plaidoyer fiévreux en faveur de la coexistence entre identités divergentes. On pourrait croire, à tort, à un drame social, déclenché par un évènement tristement banal : dans une rue de Boston, un policier tire sur un jeune homme qui succombe à ses blessures. Le meurtre est filmé, mais sa viralité sur les réseaux sociaux est déclenchée par autre chose : ce n’est pas une personne, mais un loup-garou qui s’éteint. Surprise. La première d’une longue série, Cadwell Turnbull posant patiemment les bases d’un jeu de dupes narratif.
Début de la saga Convergence, Ni dieux ni monstres révèle les ramifications d’un monde où créatures fantastiques et humains se côtoient parfois sans le savoir, quelque part entre les sociétés secrètes et les groupes d’activistes. Les points de vue d’une dizaine de personnages s’enchevêtrent dans une mosaïque des marginalités américaines, la figure du monstre étant souvent utilisée comme métaphore de l'ostracisme social. Mais ici, pas question de rester sur cette note de noirceur. Au freakshow, l'auteur préfère la pride, et s'il ne rechigne pas à aborder le deuil, l'emprise ou la violence d'État, il exalte aussi la beauté des solidarités, des amours plurielles et aussi protéiformes que certains de ses protagonistes. Plutôt que de faire dans le sensationnalisme et les scènes d'action haletantes, Ni dieux ni monstres saisit des moments quotidiens d'intimité. Un prologue prometteur.
(1) Ni dieux ni monstres, de Cadwell Turnbull (Atalante, trad. Marie Surgers), 386 p., 24,50 €. ISBN : 979-10-360-0181-9. Sortie : 25 avril.