Avant-Critique Roman

Camille Pascal, "L'air était tout en feu" (Robert Laffont) : Que la fête s'achève

Camille Pascal - Photo © Astrid di Crollalanza

Camille Pascal, "L'air était tout en feu" (Robert Laffont) : Que la fête s'achève

Dans son nouveau roman, Camille Pascal fait d'un épisode de la Régence un véritable thriller.

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Par Jean-Claude Perrier
Créé le 24.08.2022 à 09h00 ,
Mis à jour le 24.08.2022 à 12h12

Nous sommes au royaume de France, en l'an, pas vraiment de grâce, 1718. Le pays, légué par Louis XIV, va très mal. Les caisses sont vides, les campagnes grondent, en Bretagne surtout, où la petite noblesse, menée par le marquis de Pontcallec, est presque en rébellion.

À sa mort, en 1715, le Roi-Soleil, qui avait enterré tous ses descendants hormis son petit-fils Philippe, devenu le roi d'Espagne Philippe V, avait souhaité que lui succède le duc du Maine, l'un des six bâtards légitimés qu'il avait eus avec Madame de Montespan. Mais, au nom du futur Louis XV (âgé de 5 ans à la mort de son arrière-grand-père, et qui devra attendre sa majorité à 13 ans, soit en 1723, pour gouverner), Philippe d'Orléans, neveu de Louis XIV, était parvenu à faire casser le testament par le Parlement de Paris, et à se faire nommer Régent de France, fonction qu'il conservera jusqu'à sa mort en 1723. C'était un prince intelligent et cultivé, mais velléitaire, esclave de ses sens et de ses passions, et faible au fond. D'où les tentations, pour de nombreux clans, d'en profiter et de comploter contre le pouvoir.

Les parlementaires, d'abord, qui ont obtenu le droit de remontrance, et comptent bien en user. Mais surtout les princes, qui aimeraient bien que le royaume revienne à l'ancien système féodal, moins centralisé, dont ils seraient les principaux bénéficiaires. D'où une multitude de libelles orduriers, d'attentats, de complots contre le Régent, dont un, redoutable, en 1718, qu'on a appelé la conspiration de Cellamare − du nom d'un prince napolitain, ambassadeur d'Espagne à Paris. Son but : se débarrasser du Régent, et accessoirement du petit roi, et offrir le trône de France à Philippe V, sous les apparences de la légitimité dynastique. Cette ténébreuse affaire a été mise au point et dirigée par le duc du Maine, mais surtout par son épouse, la terrible Louise-Bénédicte de Bourbon, petite-fille du Grand Condé, connue aussi comme précieuse, sous le surnom de Ludovise. Insupportable, ignoble, dangereuse, mais diaboliquement intelligente. Le duc et son épouse faillirent bien réussir, mais se firent prendre à cause de l'imprudence de leurs complices. Ils finirent par être arrêtés le 30 décembre 1718. Louis XIV les aurait fait décapiter, tout princes de sang qu'ils fussent. Le Régent, lui, se contenta de les exiler sur leurs terres, jusqu'à leur grâce et leur retour chez eux, au château de Sceaux, en janvier 1720.

Cette conspiration, le genre de sujet qui inspire Camille Pascal, est racontée ici au jour le jour, du 27 avril au 30 décembre 1718. On voyage partout où il se passe quelque chose, de château en palais, et même à Londres et à Madrid. La reconstitution est impeccable, même les propos dans la bouche des personnages sont authentiques. Mieux que Dumas ! Lisant ce roman, on ne peut s'empêcher de repenser à Que la fête commence, le chef-d'œuvre de Bertrand Tavernier, avec Philippe Noiret en Régent, Jean Rochefort en abbé Dubois, son ministre et âme damnée, et Jean-Pierre Marielle, incarnant le malheureux Pontcallec. Il faudra encore patienter soixante-dix ans avant que la monarchie française, minée, ne s'effondre.

Camille Pascal
L'air était tout en feu
Robert Laffont
Tirage: 26 000 ex.
Prix: 22 € ; 352 p.
ISBN: 9782221263709

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