Catel s’en soucie

Catel - Photo JF Paga/grasset

Catel s’en soucie

Illustratrice et dessinatrice, moitié d’un tandem qui a signé des ouvrages remarqués sur Kiki de Montparnasse et Olympe de Gouges, Catel publie une biographie graphique de Benoîte Groult.

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Par Alexandre Fillon
Créé le 18.10.2013 à 15h01 ,
Mis à jour le 24.10.2013 à 08h01

Catel ouvre la porte d’une jolie maison au cœur du 19e arrondissement de Paris. A l’étage, son atelier est à côté de la chambre à coucher. Après Kiki de Montparnasse (Casterman, 2007) et Olympe de Gouges (Casterman, 2012) signés avec son complice José-Louis Bocquet, elle fait paraître un épatant Ainsi soit Benoîte Groult. Une biographie graphique sans langue de bois de la pionnière du féminisme.

Née à Strasbourg, Cathy Muller a grandi à Illkirch-Graffenstaden. Gamine, elle dessine au fond de la librairie de son grand-père. Et fomente de « gros projets », telle une Histoire du cheval à laquelle elle renoncera pour se rattraper, des années plus tard, avec L’encyclo de la cavalière chez Plon ! La voilà aux Arts décoratifs, dans la section illustration, dont elle sort diplômée en même temps que Blutch, avant une maîtrise d’arts plastiques.

Arrivée à Paris, elle débute dans le métier avec une couverture de la revue Fripounet. Puis il y a celle de La délicieuse automobile d’Henriette Bichonnier chez Nathan, Philomène Chontard, sorcière avec Marie-Sabine Roger chez Epigones, un titre dans la «Bibliothèque rose», une bande dessinée, Bob et Blop, avec Paul Martin dans le magazine Images Doc. Peu à peu, Catel comprend qu’elle préfère plancher sur « des séquences que sur de simples illustrations ». Elle se lance dans Les Papooses (huit tomes chez Casterman) avec Sophie Dieuaide et dans Top Linotte (trois tomes chez Dupuis) avec Claire Bouilhac.

En compagnie de la coloriste de Margerin et de Dupuy-Berbérian, Véronique Grisseaux, elle imagine le personnage de Lucie. Une manière de «Bridget Jones française avec des problèmes de trentenaire», des années avant l’avènement de Pénélope Bagieu ou Margot Motin. Paru en 2000 aux Humanoïdes associés, Lucie s’en soucie tape dans l’œil de… José-Louis Bocquet. Romancier, scénariste, biographe, éditeur et éminent spécialiste du 9e art, Bocquet recommande chaudement l’album dans les colonnes d’A nous Paris. Ces deux-là se croisent ensuite au Festival d’Angoulême. Ils ne vont plus se quitter ni arrêter d’allier leurs forces.

Avec Bocquet, explique-t-elle, ils sont « comme deux locomotives, comme un monstre à deux têtes ! ». Kiki de Montparnasse a inauguré de belle manière le travail que le tandem a entamé autour des « clandestines de l’Histoire ». Couronné par plusieurs prix, traduit dans quinze langues dont le chinois, le fort volume a demandé à Catel trois ans de labeur, parallèlement à ses autres productions, le soir et le week-end. Puis il y a eu Olympe de Gouges, déjà réimprimé cinq fois et traduit en espagnol, allemand et polonais.

 

 

Obsessionnelle du détail

« Plonger dans le XVIIIe siècle, c’était comme d’aller sur Mars », dit-elle. Il a fallu d’énormes recherches en amont à une obsessionnelle du détail qui traque plus «la justesse que la vérité» et procède par étapes. Elle part de croquis réalistes sur des petits carnets et continue avec sa propre lecture du scénario sur des feuilles A5 afin de comprendre « comment gérer la structure, le nombre de cases ». Suivent le crayonné, l’encrage, puis le scanner, le nettoyage à l’ordinateur.

Depuis Quatuor (Casterman, 2008), mise en images de quatre textes - de Jacques Gamblin, José-Louis Bocquet, Thierry Bellefroid et Pascal Quignard -, Catel a le même agent que Bilal. François Samuelson l’aide dans ses choix, la « coache », l’accompagne «avec bienveillance».

Benoîte Groult, dont elle a dévoré à 15 ans l’essai Ainsi soit-elle, elle la rencontre en 2007, le temps d’une double page dans Libération. Rapidement, elle a envie d’aller plus loin. De brosser, avec Véronique Grisseaux au scénario, le portrait intime d’une « femme d’hier et d’aujourd’hui, emblématique, qui a vaincu tous les préjugés ». Une « Benoîte » qui n’aime pas la BD mais à qui elle fait lire Maus et Persepolis. Elle en vante «l’humour, la franchise et la liberté», sans cacher qu’il y eut bon nombre d’engueulades, de disputes et de réconciliations !

Avec Bocquet, les projets ne manquent pas. Avant de s’attaquer à Nico ou Bardot, le couple a commencé à creuser l’existence passionnante de la première femme noire émancipée, Joséphine Baker, « une résistante, un personnage merveilleux ». Choix idéal pour une dessinatrice persuadée que « la réalité dépasse toute fiction ».

Alexandre Fillon

Ainsi soit Benoîte Groult, Catel, Grasset, 22 euros, 300 pages, ISBN : 978-2-246-78352-7. Sortie : 23 octobre.

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