En avril 2019, au moment même où brûlait Notre-Dame - sans que les deux histoires aient aucun rapport, mais il en est fait mention à un moment - Christophe Donner, en compagnie de trois autres pieds nickelés, était parti en Syrie, à l'occasion d'un Festival du Cheval carrément surréaliste. Avec lui, Paul Rondeau, photographe, Daniel Marinien, cinéaste, assez gaffeurs, et, surtout, Jean-Louis Gouraud, l'écrivain qui a voué toute sa vie à sa passion du cheval. Donner lui-même est connu pour son tropisme équestre. Leur présence pouvait donc paraître logique, légitime.

Mais le problème, c'est que leur hôte syrien à l'origine de l'invitation, un margoulin à la fois horripilant et attendrissant nommé Adnan Azzam, un Druze qui a fait le tour du monde à cheval et eut son moment de gloire (Le cavalier de l'espoir, Stock, 1989), lèche-bottes et propagandiste du régime de Bachar el-Assad, fait semblant de croire que Gouraud est le petit-fils du général (mort en 1946, et sans enfants !), un « héros local » qui fut gouverneur de la Syrie au temps du protectorat français, et a laissé dans le pays un souvenir mitigé. Il n'empêche que, partout où il passe, les officiels, la presse et les habitants se précipitent pour le rencontrer, lui parler, faire des selfies, etc. L'imposteur dément au début, puis laisse faire, et même se prend au jeu, en rajoute, à la consternation de Donner. Il ne faudra rien de moins que la redoutable moukhabarat, la police secrète syrienne, pour dévoiler la supercherie. Sinon, nos quatre amis, reçus et trimballés partout, se sont bien amusés, sont allés voir aussi bien des Druzes que des chrétiens, ont entendu d'innombrables discours, et ont fini par assister à la fameuse course de clôture, dans le froid et la pluie. Avec, cependant, sans cesse en tête cette interrogation : « Mais qu'est-ce qu'on fout là ? »

Par-delà l'anecdote, contée par l'écrivain avec sa verve et son ironie habituelles (un peu lassante par moments), ce qui nous retient dans ce court roman, ce sont les liens de Christophe Donner avec le Moyen-Orient - sa femme est libanaise, ils croisent deux de ses riches cousins qui possèdent une somptueuse demeure à Alep, mais dans quel état aujourd'hui ? Sa façon de traiter de la Syrie, en racontant ce qu'il a vu : une ville, Damas, à l'écart de la guerre, la gentillesse des gens, et tous ces enfants, vivants, souriants, qu'il a filmés partout.