Rentrée littéraire 2021

Céline Minard, «Plasmas» (Rivages) : Mondes d'après

Minard Céline - Photo © Elizabeth Carecchio

Céline Minard, «Plasmas» (Rivages) : Mondes d'après

Dans un futur plus ou moins lointain, Céline Minard imagine des mondes survivants, entre adaptation des uns et disparition des autres. Tirage à 20000 exemplaires.

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Par Véronique Rossignol
Créé le 30.06.2021 à 19h18

Étonnante Céline Minard qui se réinvente à chaque livre. Après un drôle de braquage à Hong Kong (Bacchantes, 2019) et une robinsonnade high-tech en haute montagne (Le grand jeu, 2016), son douzième titre est un texte plus expérimental, un roman de science-fiction qui extrapole de possibles mondes futurs. On dira « roman » car s'il est composé de dix nouvelles qui peuvent se lire de façon autonome, la dernière les relie toutes en une vaste méditation onirique autour de l'avenir de l'espèce humaine. Dans une langue qui crée des chimères poétiques en mélangeant avec sérieux et fantaisie les termes scientifiques et les noms imaginaires, l'écrivaine hybride le réel et le virtuel. Et de fascinantes créatures existantes telles que ces « plasmodes myxomycètes » - l'authentique blob en est - cohabitent avec une race de chevaux miniatures issue du clonage entre un loup sibérien... et un cheval iakoute. Dans ces histoires sur lesquelles Céline Minard pose un regard à la fois d'anthropologue, d'entomologiste, d'éthologue, de paléontologue..., les humains sont une espèce « mal armée », une tribu condamnée à l'exil extraterrestre pour survivre ou appartenant à un temps archaïque révolu. Dans l'un de ces mondes d'après, trois « boules à neige » et quelques films d'archives montrés à des étudiants, des « nomades interstellaires » qui « n'ont vu ni Terre, ni Lune, ni Mars autrement qu'en matériel cognitif », sont les derniers vestiges d'un monde perdu.

Abrité derrière la littérature d'anticipation, Plasmas peut faire penser à un manifeste écologique, à une mise en garde prophétique déguisée. Mais c'est aussi un hommage admiratif à la science de la vie, à la créativité et aux capacités adaptatives du vivant. À la richesse des compétences non humaines, qui fait de la disparition de la moindre famille de papillon, cet expert ès métamorphose, une perte insupportable. C'est encore, à la manière de cette Dian Fossey du futur dans « Grands singes », une incitation à s'inspirer de la résistance des « Eips », « la dernière espèce d'hominidés capable de survivre dans le timbre-poste d'un espace naturel ». Dans la première histoire, des trapézistes équipés de la « gaine électro-organique connectée » que tous les humains sont désormais obligés de porter, exécutent leur numéro sur des « agrès d'époque » avec pour seul public un parterre impassible de « Bjorgs » capables de surpasser les performances de n'importe quel athlète. Mais si les capteurs savent enregistrer la mécanique du mouvement, ils ne peuvent mesurer ni la peur, ni la sensation de vide, ni « le degré d'absence ». Ce qui fait l'art de l'acrobate. Sa beauté si humaine, si vivante.

Céline Minard
Plasmas
Rivages
Tirage: 20 000 ex.
Prix: 17 € ; 160 p.
ISBN: 9782743653675

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