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affligeant

“Désolation de voir un troisième lieu de présence du livre disparaître à Toulouse, ville universitaire, après Virgin, après Castéla. De voir un modèle favorisé depuis trente ans en train de disparaître du fait de la déviance des fonds de pension, qui rachètent des lieux, ne connaissent rien à rien et détruisent des librairies telles que Privat, qui était pourtant indéboulonnable. Privat, c’est la librairie par excellence, traditionnelle, avec sa clientèle, impossible à voir disparaître. C’est une situation absurde. On pense au nombre de personnes qui se retrouvent sur le carreau. Cette capacité de destruction par le système d’industrialisation de la culture est affligeante. Les lecteurs perdent un lieu. Disparaissent aussi un savoir-faire, la connaissance et la filiation du travail de la librairie, avec ses engagements, ses subjectivités, sa connaissance du monde du livre. Quand y aura-t-il un réveil d’une volonté politique pour maintenir un modèle indépendant et viable, afin de garder un avenir au livre physique ??

Eric Floury, librairie Floury à Toulouse.

la logistique au détriment de la librairie

“La fermeture des librairies est catastrophique. Mais nous allons nous tenir mobilisés dans l’interprofession pour voir s’il y a des dossiers de reprise car pour certaines librairies tout n’est pas perdu. J’ai toujours regretté que la politique livre n’ait pas été maîtrisée dans le groupe Actissia. Le projet logistique était indispensable mais nous avons souvent eu des doutes sur la politique concernant la librairie : je n’ai jamais vu de projet sur la façon dont devaient être les librairies elles-mêmes, dans leur offre. La priorité a été donnée à la gestion et à la logistique, et la dynamique commerciale semble avoir été conçue sans son cœur : le métier de libraire et son offre.?

Mathias Echenay, directeur du Centre de diffusion de l’édition (CDE).

un modèle qui n’est pas adapté à la librairie

“Les fermetures de librairies sont toujours désolantes. L’annonce de Chapitre montre que ces modèles économiques capitalistiques ne sont pas adaptés à la librairie. Les fonds de pension exigent des rendements nécessitant des marges que l’on n’a pas. Du coup, le réseau des petits libraires apparaît comme le bon réseau pour le livre : un modèle de petite entreprise qui ne cherche pas des rendements impossibles, un modèle moins gourmand mais plus adapté à la culture. Le problème est plus global dans l’économie française : nous ne sommes plus dans l’après-guerre où tout était à reconstruire, mais dans une société d’abondance où les croissances à deux chiffres deviennent impossibles. Trouvons d’autres modèles, centrés sur une rentabilité raisonnable du capital et surtout sur la création d’emplois. Le réseau des petites librairies résiste, sur le fil certes, avec des marges très faibles et le dernier maillon de la chaîne du livre est insuffisamment payé. Mais la taille est adaptée, elle induit la connaissance de la clientèle, l’adaptation à la donne locale, un travail beaucoup plus fin que les grosses structures.?

Florence Veyrié, librairie La Maison jaune à Neuville-sur-Saône, coprésidente de l’association Libraires en Rhône-Alpes.

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