Au revoir Claire Bretécher ?? pic.twitter.com/qETFDBKRmf
— Riad Sattouf (@RiadSattouf) February 11, 2020
Née le 17 avril 1940 à Nantes, Claire Bretécher s’est lancée très vite dans la bande dessinée. Au début des années 1960, après avoir laissé tomber les Beaux-Arts parce que la bande dessinée y est persona non grata, elle enseigne le dessin pendant neuf mois, puis ivre des illustrations dans différents journaux du groupe Bayard.
Après avoir collaboré aux principaux titres de la presse jeunesse franco-belge dans les années 1960 (Record, Tintin et Spirou), Claire Bretécher a participé à la revue BD francophone Pilote en 1969, dans laquelle elle a publié les aventures de Cellulite, avant de cofonder L'Écho des savanes en 1972. Elle entre ensuite au Nouvel Observateur, où elle crée la Page des Frustrés, s’amusant d’une gauche éduquée, urbaine, donneuse de leçons et égocentrique.
Pionnière de la critique sociale
Si Glénat a gardé les droits de ses œuvres de jeunesse, et Dargaud pouvait publier ses histoires issues de Pilote, elle a surtout ouvert la voie en se lançant dès les années 1980 dans l’autoédition.
« J'étais un peu parano vis-à-vis des éditeurs et cela m'amusait de faire cela, après L'Écho des savanes. J'allais voir le photograveur, mon imprimeur allemand, en Espagne. J'ai toujours été aidée par des copines. Et j'ai gagné beaucoup d'argent » expliquait-elle dans un documentaire qui lui était consacré sur France 5, en 2008.
Elle publie ainsi le premier album des Frustrés en 1975. 4 autres tomes suivront. L’album a été couronné du prix du scénariste français au Festival d’Angoulême en 1976. Après la polémique sur sa vision de La Vie passionnée de Thérèse d'Avila (1980, réédité en 2007 chez Dargaud), elle quitte le magazine. Et se lance dans l’autoédition. Féministe, elle s’attaque à la maternité avec, Les Mères et Le destin de Monique. En 1982, elle le reçoit le Grand prix spécial 10e anniversaire du FIBD d’Angoulême, consacrant son œuvre à la fois sociétale, mordante et expressive. Tout y passe : l’écologie, les bobos, les médecins, la religion, les hypocrisies de l’époque, … Elle créé une multitude de personnages ou des archétypes hilarants comme le Bolot ou Robin des foies.
"Je suis ravie de gagner ma croûte en faisant un truc marrant classé comme un art mineur disait-elle, ajoutant, "Mes personnages se moquent beaucoup de mes propres travers."
C’est une héroïne qui va définitivement la faire entrer dans le panthéon du 9e art. En 1988 invente Agrippine, star de 8 albums jusqu’en 2009. Elle sera aussi la vedette d’une série de 26 épisodes animés, diffusés sur Canal+ en 2001.
Piquante et populaire
« Parmi les pionniers de ce genre littéraire, elle va imposer un style, un ton, un regard décalé d’une originalité totale. » a estimé Dargaud. L’éditeur salue « une personnalité aussi dérangeante qu’attachante qui a tracé un chemin unique dans la bande dessinée » et dont le « sens du dialogue, l’inventivité et l’art du raccourci étaient époustouflants ».
Claire Bretecher avait réussi à mélanger sociologie, psychologie et bande dessinée, dévoilant en creux la non communication et les névroses de nos civilisations. De nombreux artistes et auteurs la citent dans des chansons ou des essais. La télévision et les médias, en général, aimaient la prendre comme témoin de notre époque. Ce fut sans aucun doute l’une des auteurs de BD les plus connues ces 50 dernières années. Elle a aussi été illustratrice, pour la publicité et les magazines, dramaturge, peintre et dessinatrice artistique (ces deux derniers recueils sont parus au Chêne en 2011).