« Qui es-tu ? Qui es-tu ? Tu es celui que tout ébranlement des classes populaires inquiète et crispe en tant qu'il menace ta place [...]. Tu es un bourgeois. Un bourgeois de gauche si tu y tiens. Tu peux être conjoncturellement de gauche, tu demeures structurellement bourgeois. »

Dans le paysage désormais bien encombré des « regretteurs » d'hier, des amers de l'époque, François Bégaudeau occupe une place à part. D'abord parce que, contrairement à nombre de ses « coreligionnaires », ses colères ont du style (ce qui ne les disqualifie en rien, au contraire, de pouvoir être examinées) ; ensuite, parce que l'homme toujours nous parle depuis un promontoire oublié : sa jeunesse, son énergie et comment la promesse du monde n'a pas été honorée. Son dernier essai, Histoire de ta bêtise, pamphlet vif et énervé, en témoigne grandement. L'auteur s'y adresse, le tutoyant donc, à un interlocuteur plus ou moins imaginaire. Son crime ? Avoir voté Emmanuel Macron lors de la dernière présidentielle, agiter à tout propos le chiffon rouge du populisme, voire de « la bête immonde ». Posséder et s'en trouver finalement, fort aise. Bégaudeau se défoule : « tu as voulu parler de race, de culture, de religion plutôt que de classe ? Paye l'addition. Je ne me sens pas concerné. » Nous, si.