On peut déplorer que, passant peu à peu de vie à trépas, les générations de la Seconde Guerre mondiale et du baby-boom manquent au marché du livre qu’elles ont tant contribué à développer dans les années 1960-1990. Non-dit d’une manifestation qui fêtera en 2020 son 40e anniversaire, leur effacement progressif était patent le week-end dernier à Livre Paris. Sans doute explique-t-il en partie que des éditeurs emblématiques des années "Apostrophes" ne prennent plus de stand dans la manifestation. Bousculant les fondamentaux du marché du livre et de la librairie tels qu’ils se sont construits en France dans la période qui a suivi Mai-68, il interroge aussi les orientations éditoriales, et plus encore les stratégies marketing et commerciales du secteur.
Pourtant, à trop pleurer la perte d’un lectorat qui ne reviendra plus, on risque de passer à côté des nombreux autres qui se développent grâce au puissant levier des communautés de toute nature et que, sous l’ombrelle de Livre Paris, plusieurs exposants ont attirés eux-mêmes directement porte de Versailles. Les plus visibles, qui contribuent au rajeunissement du public du salon, sont, à côté de ceux du manga, ceux, très féminins, qui se rassemblent avec ferveur autour des jeunes vedettes de la romance et de la littérature young adult, Emily Blaine, Jojo Moyes, Marie Rutkoski ou Rainbow Rowell et de leurs éditeurs, Harlequin, Milady, Lumen ou Pocket Jeunesse. Mais ils ne sont pas les seuls.
S’appuyant eux aussi sur la force de frappe des réseaux numériques, nombre de petits éditeurs, qui avaient élu domicile sur les stands des régions, ont réussi à drainer des publics spécifiques. Les neuf maisons qui ont mutualisé leurs moyens au sein de l’Union des éditeurs de voyage indépendants ont fait de même. Tout comme le pavillon des Lettres d’Afrique et celui du Maroc, qui a su fédérer autour de sa librairie et de débats de haute tenue la communauté des Français d’origine marocaine et des Marocains de France.