Concept stores : fixie, arty, smoothie

Chez Cut & Mix, à Marseille, on peut aussi se faire couper les cheveux dans une ambiance jazzy. - Photo Catherine desmonteix

Concept stores : fixie, arty, smoothie

Ces boutiques multiproduits présentent toujours un petit assortiment de livres, souvent illustrés, et intéressent de plus en plus les éditeurs.

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Par Anne-Laure Walter
avec Créé le 10.10.2014 à 03h04 ,
Mis à jour le 23.04.2015 à 10h06

Se faire une petite coupe-brushing, un grand café, et repartir avec la monographie d’Helmut Newton chez Taschen et Busta Rhymes en vinyle. Voilà comment on peut occuper son temps chez Cut & Mix, salon de coiffure-librairie-disquaire, ouvert par Christophe Desmonteix et Floriane Chambert fin 2012 à Marseille. Si la librairie générale reste le meilleur relais pour le livre illustré, plusieurs éditeurs, afin de toucher un nouveau public, commencent à démarcher en complément les concept stores, un circuit complexe car peu identifié et éloigné de la chaîne française du livre.

Chez Ofr., à Paris, les livres voisinent avec les expos, la mode ou la déco.- Photo OLIVIER DION

Valorisants pour le client

Ces boutiques à l’identité visuelle clairement définie, espaces agréables et valorisants pour le client, réunissent des produits divers autour d’une thématique (la mode, l’image, le tatouage, le design) et proposent souvent un petit assortiment de beaux livres. Cut & Mix, par exemple, présente 200 à 300 références en livre, uniquement illustré. Si la partie coiffure se monte à 60 % du chiffre d’affaires, la librairie atteint les 20 %. "L’atout de ce lieu un peu design avec une proposition différente est qu’il décomplexe la clientèle, analyse Christophe Desmonteix. Les grands lecteurs ne penseront pas à nous mais nous attirons des gens qui viennent au salon et découvrent l’offre de livres, que nous essayons de laisser abordable, entre 10 et 50 euros."

A Paris, où se situe le "trend setter" de référence, Colette, ce type de lieux se multiplie avec l’ouverture ces dernières années d’Auguste, une boutique-galerie-cantine de la rue Saint-Sabin, où le Label 619 d’Ankama fait ses lancements ; The Broken Arm, dans le Marais, dédié à la mode et à l’art de vivre, où l’on peut boire un smoothie et acheter un livre de Rizzoli ; No Youth Control, qui a ouvert en février dans le quartier des Batignolles et permet aux hipsters d’acquérir un fixie et des livres de mode (90 références) ; ou encore LO/A (Library of Arts), rue Notre-Dame-de-Nazareth, ouvert il y a un an pour "amener du contenu inspirant pour les professionnels des métiers créatifs", selon l’une de ses fondatrices, Jeanne Holsteyn. "Ces enseignes hybrides référencent peu de livres mais les poussent au maximum. Ils constituent un nouveau réseau très intéressant à travailler en termes d’image mais aussi de chiffre d’affaires", se réjouit Frédéric Claquin, à la tête des collections "Artittude" et "Tattooisme" dont les premiers volumes ont été édités par Herscher.

L’ambiance avant tout

Assez éloignés de la culture du livre, ces points de vente ouvrent rarement des comptes chez les principaux diffuseurs mais citent volontiers comme fournisseurs Taschen, Interart et Idea Books, car l’import représente de 40 à 60 % de leur assortiment. Ce qui séduit dans ces concept stores, c’est l’ambiance. "Nous fédérons des gens qui habitent sur la même planète que nous, nous proposons de bonnes idées pour rendre la vie plus simple et plus agréable", explique Alexandre Thumerelle, l’un des pionniers des concept stores qui, venant de la mode, a créé il y a dix-huit ans Ofr à Paris, une librairie-galerie "construite autour de l’édition papier" où l’on trouve des livres, des revues, des lunettes en bambou, des tirages photographiques, des sacs, de la céramique, deux frigos et une baignoire. Lui qui a organisé les premiers concerts des Daft Punk insiste sur la nécessité de multiplier les événements pour que les clients s’approprient le lieu. Il fédère une large communauté qu’il mobilise pour chaque lancement via les réseaux sociaux. Pour le libraire Carl Huguenin, la diversification de l’offre est une nécessité de la librairie. "La rentabilité moyenne d’une librairie aujourd’hui est de 0,6 % ; nous sommes à 3 % grâce à nos 20 % de chiffre d’affaires via les objets, qui ont toujours été dans notre ADN, explique le gérant d’Artazart, concept store dédié à l’image, racheté en 2008 par le groupe Bensimon. Nous avons un cœur de papier, sommes d’abord libraires et fiers de l’être, mais dès 2002 nous vendions des appareils Lomo tout en organisant des concours photographiques. Il faut créer des passerelles cohérentes à partir du livre." Se défendant d’être un concept store évoquant l’image austère, froide et branchée de certains lieux parisiens, il reconnaît l’importance d’un espace et d’une thématique auxquels les clients s’identifient. "Nous vendons des livres d’images pour "analphabètes", car nos clients viennent avant tout chercher chez nous des cahiers de tendances." Et cette librairie a bien traversé la tempête de 2013 avec une progression de l’activité de 2,5 %.

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