avant-portrait

Les voies de la création sont impénétrables. Vincent Jolit s’est passionné pour la musique, mais c’est l’écriture qu’il a choisie. "La musique m’a formé, mais comme je ne jouais d’aucun instrument, je me suis mis à écrire", confesse l’auteur, né à Hyères en 1978. La musique, c’était le rock indépendant d’outre-Manche, la chanson anglaise à texte que le "mauvais en langues" se faisait traduire par l’un de ses amis bilingue : Joy Division, les Smiths surtout. Outre le groupe mancunien au lyrisme dandy, côté français toujours des chanteurs réputés aussi pour leurs paroles : Bashung, Dominique A. Les groupes pointus étaient pour lui et ses copains une façon de se démarquer du reste du lycée : "On avait l’impression d’être singuliers." Les Smiths ont pourtant été un énorme succès. Des expressions artistiques novatrices peuvent également rencontrer le grand public.

De milieu populaire

Née de sa lecture d’Adorno, la question du rôle de l’art face à la culture de masse se pose à Vincent Jolit, bibliothécaire depuis treize ans à la médiathèque de sa ville natale, "l’équilibre entre exigence et accessibilité". Son roman Harmonie, harmonie (La Martinière, 2014) relatait le parcours d’Arnold Schönberg, génie incompris de l’atonalité. Il habite désormais à Toulon, mairie FN durant son enfance, à quinze kilomètres de Hyères : "Je n’ai guère bougé." Le vrai voyage aura été la littérature. "De milieu populaire", Vincent Jolit n’était prédisposé ni aux livres ni à l’écriture. Il y a eu des hasards heureux : la générosité d’un père, employé de mairie, qui l’abonna, adolescent, à une série de vulgarisation de la littérature dont chaque numéro était accompagné d’un chef-d’œuvre ; l’intégrale du Club des Cinq découverte chez sa grand-mère ; un professeur de français en seconde qui lui fit prendre conscience de son possible talent de plume ; Voyage au bout de la nuit de Céline, auquel il consacra un mémoire. Son premier roman, Clichy, met en scène Aimée, la dactylo "complètement oubliée" du docteur Destouches.

Danse avec les mots

Dans Un ours qui danse il ourdit une intrigue à travers trois destins croisés, emblématiques de trois moments chorégraphiques : les Ballets russes de Nijinski, la danse postmoderne de Merce Cunningham, ces ateliers de danse contemporaine qui ont essaimé un peu partout à travers la France. C’est sa compagne, Cécile, dédicataire du livre, prof de philo et elle-même férue de danse contemporaine, qui l’initiera à cette discipline. Un spectacle de Pina Bausch, puis un autre de Lucinda Childs furent "des chocs esthétiques". La danse, c’est l’art qui s’incarne littéralement, le corps privé dans le corps social. L’un des personnages, complexé par un handicap au pied (un dysfonctionnement imperceptible chez l’auteur mais qu’il a amplifié dans son roman), se réapproprie son corps en dansant. Et lui, danse-t-il ? "Pas encore." Les mots le font pour lui.

Sean J. Rose

Vincent Jolit, Un ours qui danse, La Martinière. Prix : 20 €, 416 p. Sortie : 18 août. ISBN : 978-2-7324-8052-7

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