22 août > Roman France

Longtemps avocat international spécialisé dans l’humanitaire, Jean-Félix de La Ville Baugé dirige depuis 2008, à Moscou, le journal et la maison d’édition franco-russes Courrier de Russie. L’une des raisons, sans doute, pour laquelle son troisième roman, Dieu regardait ailleurs, revisite l’un des épisodes les plus convulsifs de l’histoire de son pays d’adoption.

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La fin du débauché Raspoutine, le 30 décembre 1916 à Petrograd (ex-Saint-Pétersbourg), sous les coups de conjurés proches des cercles du pouvoir et accablés par l’influence néfaste, criminelle, que ce moine illuminé exerçait sur le tsar Nicolas II. Et plus encore sur la tsarine Alexandra, une femme profondément mystique et prête à tout pour défendre jusqu’au bout son favori, le seul qui parvenait à soulager Alexis, le tsarévitch hémophile, de ses souffrances, quitte à saigner le reste de la Russie en pleine guerre mondiale. Les principaux conjurés étaient des aristocrates, le prince Félix Ioussoupov, le grand duc Dimitri Pavlovitch, le député Pourichkevitch, représentant à la douma de l’aile la plus extrémiste et antisémite, ou encore un autre grand duc, que le romancier appelle Wladimir Wladimirovitch, un neveu du tsar qui, réfugié à l’Ouest, a fait sa vie en France, puis en Suisse, où il est en train de mourir tuberculeux dans un sanatorium de Davos. C’est là qu’il dicte à Greta, sa garde-malade, ses souvenirs, entrecoupés de passages délirants.

Profondément réactionnaire, politiquement aveugle, professant pour le peuple un mépris total et atavique, farouchement antisémite, obsédé sexuel et ivrogne, Wladimir n’est pas un type très recommandable. Sa participation à l’élimination de Raspoutine n’était pas dictée par le sens de la patrie ou de l’intérêt général, mais plutôt par l’instinct de survie. Les conjurés avaient quand même compris que la « Sainte Russie » courait à la catastrophe et que la Révolution « juive » de Lénine risquait cette fois de triompher. Et de tout emporter sur son passage, tsar, princes et grands ducs. On sait ce qu’il advint : Wladimir et ses complices ont agi trop tard.

Après 1917, le narrateur, qui avait failli être désigné par Nicolas comme son successeur - mais Alexandra a refusé -, a passé un temps chez des Blancs, désunis, désorganisés, effrayants. Puis a fui à Paris, où il a retrouvé Ioussoupov, vécu à ses crochets, puis à ceux des Noailles qui lui ont présenté tout le gratin artistico-mondain de l’époque : Cocteau, Balthus ou Coco Chanel, avec qui il vivra une idylle, au Ritz ou à Biarritz, avant de suivre un temps Audrey, une actrice américaine, jusqu’à Palm Beach.

Cette destinée capricieuse et tragique d’un personnage pris dans la tourmente de l’histoire, comme il y en eut tant au siècle dernier, témoin et acteur malgré lui d’événements qui le dépassent, est racontée de manière brillante et subtile. En une alternance de passages narratifs et de dialogues où Wladimir brille surtout par ses silences. Excepté à la fin de sa vie. Jean-Claude Perrier

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