Jusqu'ici inconnu en France, Nakamura Fuminori, jeune trentenaire, est considéré au Japon comme un prodige, le plus brillant écrivain de sa génération, et le plus primé. Pickpocket, son premier roman traduit dans notre langue, a obtenu lors de sa publication, à l'été 2009, le prix Kenzaburô-Oé, le plus prestigieux prix littéraire japonais. Distinction méritée, car c'est un roman très original, une espèce de faux polar glacé et sophistiqué, où l'auteur, derrière son narrateur et son histoire, se livre à une radiographie impitoyable de la pègre japonaise et, partant, de Tokyo, coeur paroxystique d'un pays en proie à un malaise tangible et apparemment durable.
Nishimura, le narrateur dont on n'apprend le nom qu'au cours du récit, à la faveur d'une imprudence, est un brillant pickpocket ambidextre. Méthodique, organisé et un peu compulsif, il a une petite tendance à se prendre pour Robin des Bois. Il vole de préférence, avec ses doigts magiques, les portefeuilles des riches, bien garnis de centaines de milliers de yens et de cartes de crédit. Il lui arrive d'en faire profiter quelques pauvres, comme ce gamin, apprenti voleur, et sa mère, prostituée pathétique, qu'il repère dans un supermarché et pour qui il se prend d'une certaine affection. Mais l'essentiel des revenus de sa coupable activité sert quand même à le faire vivre, lui, confortablement, en toute discrétion bien sûr, ou du moins le croit-il.
Car Nishimura a un passé assez chargé. Dès l'école, il s'est mis à voler, puis il a appartenu à des bandes, et il a même participé à un singulier cambriolage. Avec ses complices Ishikawa, mort depuis, et Tachibana, qui le fréquente toujours, il a été recruté par un yakuza philosophe et impitoyable, Kizaki, afin de dérober chez un député ripou des documents compromettants. Ça, c'était la version de base. En fait, c'est l'assassinat du député qui était programmé et le cambriolage un leurre pour la police.
Nishimura est à l'abri, qui mène sa carrière en loup solitaire. Mais son bon coeur et son intérêt pour le gamin, qui devient un peu son disciple, l'amènent à se découvrir. Kizaki est là, qui le guette, le fait kidnapper et le contraint à travailler pour lui. Sinon...
La fable est grinçante, dont la moralité est qu'on n'échappe pas à son destin, surtout lorsqu'on a choisi de vivre en marge des codes sociaux, dans la jungle urbaine. Japonaise ou non.