1er avril > Roman Etats-Unis

Ce qu’il y a d’effroyable en ce monde, disait Jean Renoir dans La règle du jeu, c’est que tout le monde a ses raisons. Et peu importe si elles sont bonnes, pourrait ajouter Richard Lange, dont le deuxième roman, Angel baby, thriller furieux pour une poignée de losers qui voudraient bien cesser de perdre, ne s’embarrasse guère de vertus au bénéfice de compromis moraux merveilleusement tordus. C’est un récit de genre avec, entre Tijuana et LA, des filles en fuite, des pistolets, des coffres de bagnoles, un sac rempli de pognon et pas mal de poursuivants. Luz, femme d’un baron de la drogue, prend un jour la poudre d’escampette pour rejoindre de l’autre côté de la frontière sa petite fille qu’elle connaît à peine et dont elle a caché l’existence à son mari. Pendant sa cavale, elle va croiser un jeune passeur yankee qui noie dans l’alcool le chagrin de la mort de son enfant, un gangster en quête de rédemption et un garde-frontière corrompu. Entre autres figures, héros envapés et plus riches de dettes que d’avenir.

Tous ceux pour qui la publication en 2009 du premier livre de Richard Lange, Dead boys (Albin Michel), marquait l’émergence d’un maître en matière de mélancolie carverienne seront peut-être surpris par ce Angel baby (deuxième roman et premier vrai succès en son pays pour Lange, droits achetés par la Warner pour une future adaptation) qui furète plus sur les traces de Cormac McCarthy, du Barry Gifford de Sailor et Lula ou (pour la vitesse) du Stewart O’Nan de Speed queen. Pourtant, que l’on ne s’y trompe pas, la maîtrise narrative de Lange, qui jongle avec les codes du thriller, est plus éblouissante que jamais. Et comme, par ailleurs, il est difficile de lâcher cette bande de bras cassés avant de savoir ce qu’il en advient de leurs rêves, prévoir une nuit blanche de lecture et d’effroi ne sera pas du luxe. Olivier Mony

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