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Décès de l’ancien président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré

L'ancien président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré s'est éteint - Photo Martin BUREAU / AFP

Décès de l’ancien président du Conseil constitutionnel Jean-Louis Debré

Ministre de l'Intérieur sous Jacques Chirac, président de l’Assemblée nationale, puis président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré s’est éteint à l’âge de 80 ans. Écrivain prolifique, il laisse derrière lui de nombreux essais et romans dont Livres Hebdo propose une bibliographie sélective.

Par Louise Ageorges
avec AFP Créé le 04.03.2025 à 13h00

Considéré un temps comme le vilain petit canard de son illustre famille, grognard de la chiraquie d'abord associé à la droite dure, Jean-Louis Debré, décédé mardi à l'âge de 80 ans, s'était imposé comme un sage de la République, à la parole émancipée.

Sa fidélité sans faille à Jacques Chirac lui a valu d'obtenir les postes les plus en vue : le ministère de l'Intérieur en 1995 dès l'arrivée à l'Élysée de son mentor, la présidence stratégique du groupe RPR à l'Assemblée après la dissolution ratée de 1997, le perchoir du Palais-Bourbon (2002-2007) remporté au nez et à la barbe d'Édouard Balladur et, récompense suprême, la présidence de 2007 à 2016 du Conseil constitutionnel, institution qu'il a profondément modernisée.

« Fidèle, républicain et libre »

« C'est un politique jusqu'au bout des ongles », décrivait le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand.

Mais aussi « un homme fidèle, républicain et libre », résumait récemment pour l'AFP l'ancien président de la République François Hollande. Les deux hommes ont longtemps bataillé ferme avant d'entretenir des relations d'estime mutuelle.

Après avoir quitté la rue de Montpensier et retrouvé sa liberté de parole, dont il use dès lors pleinement, Jean-Louis Debré révèle même avoir voté François Hollande en 2012 face à Nicolas Sarkozy, son ennemi intime, « homme de clan » sans « aucun sens de l'État » à ses yeux. « Sarkozy et moi, ça n'a jamais collé... », soufflait-il.

Né le 30 septembre 1944 à Toulouse, Jean-Louis Debré est issu d'une famille éminente. Son père Michel Debré, résistant, rédigera la Constitution de la Ve République en 1958 et sera Premier ministre du général de Gaulle. Le grand-père Robert Debré a fondé la pédiatrie moderne et est à l'origine des CHU et l'arrière-grand-père Simon a failli être grand rabbin de France.

Il a trois frères dont un jumeau, Bernard Debré, chirurgien urologue réputé, député et ministre, décédé en 2020. Son faux jumeau à tous égards : Bernard Debré hérite du fief politique familial d'Amboise quand Jean-Louis Debré, dans l'ombre envahissante de leur père et moins charismatique, doit conquérir seul sa place au soleil, dans l'Eure. Et lors de la guerre Chirac-Balladur, les frères sont dans des camps opposés, Bernard Debré choisissant Édouard Balladur.

Magistrat, Jean-Louis Debré se lance définitivement en politique en 1986, dans le sillage de Jacques Chirac avec qui il a des relations quasi filiales — lui restant fidèle jusqu'à la mort — mais empreintes de franchise. « Chirac, je l'adore, je l'aime. Mais je suis aussi lucide sur le personnage », à qui il est l'un des seuls à pouvoir dire « des choses désagréables en privé ».

Ministre de l'Intérieur, il doit faire face à la série d'attentats islamistes à l'été 1995 et devient la bête noire de la gauche et des caricaturistes après l'expulsion musclée en 1996 de centaines de sans-papiers occupant l'église Saint-Bernard à Paris.

Après 2002, changement radical : au perchoir, la gauche découvre « un vrai républicain », une « personnalité originale », « pas sectaire », qui « défend les droits de l'opposition » au grand dam de la droite, résume pour l'AFP Jean-Marc Ayrault, alors patron des députés PS.

Écrivain prolifique

Veuf, père de trois enfants, il a toujours aimé écrire : des romans policiers comme Quand les brochets font courir les carpes (Fayard), vendu à plus de 18 000 exemplaires (données GFK), mais aussi un Dictionnaire amoureux de la République (Plon) ou une galerie de femmes pionnières, Ces femmes qui ont réveillé la France (Fayard), vendu à plus de 20 000 exemplaires, qu'il adapte au théâtre en montant sur les planches en 2021 avec sa nouvelle compagne Valérie Bochenek.

Jean-Louis Debré a également écrit un certain nombre d'essais narrant notamment son passage par les hautes sphères de l'État comme dans Ce que je ne pouvais pas dire : 2007-2016 (Robert Laffont) vendu à plus de 120 000 exemplaires.

En privé, il montre aussi des talents de conteur et d'imitateur. Narrant avec délectation la haine inextinguible entre Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac, amenés en 2007 à siéger ensemble parmi les Sages.

Ces dernières années, Jean-Louise Debré, toujours à l'affût d'un bon mot, était devenu chroniqueur à la radio et à la télévision.

Sans filtre, il aimait décocher ses flèches, notamment contre ces « politiques à bout de souffle ». Mais aussi prodiguer des conseils. Ainsi proposait-il en 2023 qu'Emmanuel Macron, pour qui il a voté dès 2017, ait recours au « référendum » ou à « la dissolution ». Vraisemblablement sans imaginer être pris au mot…

 

Mise à jour 15h10 : Dans un communiqué, les éditions Gründ font part de leur « grande tristesse à l’annonce de la mort du président Jean-Louis Debré et présentent toutes ses condoléances à sa famille. » « Nous garderons de lui à jamais le souvenir d’un personnage unique, particulièrement humain et chaleureux », est-il ajouté. Jean-Louis Debré a publié chez Gründ En tête-à-tête avec les Présidents de la République en 2011 et 2012 et En tête-à-tête avec Charles de Gaulle en 2021.

 

Bibliographie sélective

Essais : 

  • En coulisse : côté politique, côté théâtre, de Jean-Louis Debré et Valérie Bochenek (Plon) paru le 12 septembre 2024 : L'ancien homme politique et sa compagne racontent l'expérience de l'adaptation de leur livre Ces femmes qui ont réveillé la France dans une pièce de théâtre et de la tournée de celle-ci dans les salles de spectacle de France. A travers des anecdotes et des moments de vie, ils relatent leurs rencontres, leurs discussions avec le public ainsi que la réception de la pièce.
     
  • Quand les politiques nous faisaient rire : promenade historique, souvenir personnels et anecdotes (Bouquins) paru le 7 octobre 2021 : A partir d'exemples tirés des comptes-rendus des débats de l'Assemblée nationale, son ancien président illustre le rôle de l'humour et de l'ironie dans l'action politique tout en saluant les vertus de la liberté d'expression et de l'autodérision.
     
  • Une histoire de famille : récit (Robert Laffont) paru le 24 octobre 2019 : Jean-Louis Debré raconte l'histoire de sa famille à travers cinq générations, celles d'Anselme, de Jacques, de Simon, de Robert et de Michel. Il montre comment cette ascendance façonnée par la tradition juive opte à la fin du XIXe siècle pour la France et la République. Il évoque son éducation gaulliste et propose un témoignage de première main sur les événements marquants de la présidence gaullienne.
     
  • Nos illustres inconnus : ces oubliés qui ont fait la France (Albin Michel) paru le 5 septembre 2018 : Hommage à des personnalités aux noms peu connus dont le parcours et les actions ont été déterminants pour la société ou les institutions françaises. L'auteur raconte ainsi les histoires de Julie-Victoire Daublé, première bachelière, d'Alfred Naquet, l'inventeur de la loi sur le divorce ou encore de Lucien Neuwirth, le défenseur de la pilule.
     
  • Tu le raconteras plus tard (Robert Laffont) paru le 12 octobre 2017 : Témoignage de l'homme politique sur sa carrière entre 1995 et 2007 alors qu'il a été ministre de l'Intérieur, président du RPR, puis de l'Assemblée nationale. Il raconte sa relation avec Jacques Chirac, ainsi que les caractères d'autres personnalités de sa famille politique. Il propose des scènes de la vie parlementaire et de nombreuses anecdotes.
     
  • Dictionnaire amoureux de la République (Plon) paru le 26 janvier 2017 : Un dictionnaire à travers lequel l'auteur rend hommage aux femmes et aux hommes qui ont fait progresser l'idée républicaine en France, tout en évoquant ses souvenirs familiaux qui lui ont fait aimer et comprendre ce concept.
     
  • Ce que je ne pouvais pas dire (Robert Laffont) paru le 21 avril 2016 : Journal tenu régulièrement par l'homme politique Jean-Louis Debré et exposant ses réflexions, commentaires et indignations sur ce qu'il a traversé pendant les neuf années à la tête du Conseil constitutionnel. Dans ce texte, l'auteur évoque également ses entretiens avec Nicolas Sarkozy, Valéry Giscard d'Estaing, Alain Juppé, Manuel Valls, ses relations avec François Hollande ou Jacques Chirac.
     
  • Les idées constitutionnelles du général de Gaulle (LGDJ) paru le 3 novembre 2015 : Une analyse des idées constitutionnelles de Charles De Gaulle dès la Seconde Guerre mondiale et de ses applications après la victoire.
     
  • Le monde selon Chirac : convictions, réflexions, traits d’humour et portraits (Tallandier) paru 19 mars 2015 : Les citations de l'ancien président de la République sont replacées dans leur contexte, permettant de comprendre ses trajectoires politiques.
     
  • Le conseil constitutionnel (Nane Editions) paru le 2 mai 2002 : Présentation du Conseil constitutionnel créé en 1958, sa composition, ses missions, ses domaines de compétence et son rôle de protecteur des droits et des libertés.


Romans : 

  • La rumeur (Robert Laffont) paru le 26 novembre 2020 : Un espion russe, chargé d'influer sur le résultat de l'élection présidentielle, est retrouvé mort à Paris. Au même moment, une rumeur circule selon laquelle le Président serait malade. Le chef d'Etat ordonne aux services d'enquêter, au risque de découvrir que les responsables sont des proches qui l'ont aidé dans son ascension, et qui se vengent pour ne pas avoir été récompensés ensuite.
     
  • Quand les brochets font courir les carpes (Fayard) paru le 16 janvier 2008 : Le narrateur, un jeune professeur, croise dans les jardins du Palais-Royal une jeune femme. Elle laisse sur un banc un paquet dont un inconnu s'empare. Le narrateur la reconnaît peu après dans un journal : elle vient d'entrer au gouvernement. Prêt à tout pour l'approcher, il parvient à entrer à son cabinet. Il la devine vulnérable et menacée. Mais les cadavres commencent à arriver…
     
  • Meurtre à l’Assemblée (Fayard) paru le 30 septembre 2009 : Ce roman policier aborde les rapports complexes entre la politique et la police, en montrant comment un fait divers banal peut devenir une affaire d'Etat.
     
  • Regard de femme (Fayard) paru le 29 septembre 2010 : A quelque temps des présidentielles, François Régent, ministre de l'Intérieur, s'écarte de son discours lors d'un banquet et fait une déclaration fracassante : il a croisé le regard d'une femme qui lui a fait comprendre qu'on allait l'assassiner. Pendant que police et justice enquêtent, le cadavre d'une jeune femme est découvert. Sur son portable, le numéro d'un proche du ministre…
     
  • Jeux de haine (Fayard) paru le 30 mars 2011 : Suicides maquillés en assassinats ou assassinats travestis en suicides ? Qui avait intérêt à la mort de ces spéculateurs en bourse ? Des détenteurs d'argent sale ? Des clients louches des salles de jeux ? Des rivaux de la haute finance internationale ? Un roman où s'affrontent policiers, magistrats, politiques, financiers, aigrefins, amants, maîtresses et tueurs.

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